Les logiciels d'impôt transforment les contribuables en pseudo-experts en fiscalité. Ceux-ci font ainsi des erreurs ou oublient des crédits qui leur coûtent des centaines, voire des milliers de dollars en impôts, estime le fiscaliste Yves Chartrand, fondateur du Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF).

«Je n'y crois pas, affirme ce formateur reconnu. La clé est de savoir ce qu'on fait.»

Son credo: rien ne vaut un préparateur compétent.

À la suite d'un article qui décrivait les caractéristiques et les prix des principaux logiciels d'impôt sur le marché, M. Chartrand avait appelé La Presse, il y a trois semaines, pour dénoncer l'idée qu'un logiciel puisse faire économiser les honoraires d'un préparateur. Sur cette lancée, il mène maintenant une campagne tous azimuts contre ce qu'il estime être une fallacieuse panacée.

Dans un article qu'il vient de faire paraître dans le numéro d'avril de la revue spécialisée Conseiller, il reproche à l'Agence de revenu du Canada et à Revenu Québec de faire croire que produire une déclaration fiscale est un geste relativement simple.

Au contraire, croit-il, la fiscalité des particuliers est devenue tellement complexe qu'une déclaration de revenus ne peut plus être laissée entre les mains d'un amateur, fût-il équipé d'un logiciel.

«Règle générale, moins la personne gagne, plus la déclaration est complexe, parce qu'elle fait embarquer tous les programmes sociofiscaux», soutient-il. L'ennui, c'est que ce sont justement ces personnes qui cherchent à s'épargner une consultation fiscale.

Il donne une longue série d'exemples où un logiciel aurait failli. Nous n'en citerons qu'un. Un enfant majeur qui vit dans le logement de ses parents âgés pourrait réclamer le crédit pour aidant naturel au fédéral, sous réserve du revenu du parent visé, pourvu qu'il assume une partie des frais de logement, par exemple les frais d'entretien ou d'électricité. «Est-ce que vous allez trouver cette information dans le Guide de l'ARC? Non, écrit-il dans le Conseiller. Avec l'aide d'un logiciel? Non. Avec un bon préparateur de déclaration fiscale? Oui.»

Ce (bon) préparateur a sur le logiciel l'avantage de poser directement les questions les plus pertinentes au contribuable. Yves Chartrand attribue d'ailleurs une importance primordiale à l'entretien préparatoire entre le préparateur et son client.

Mais c'est un idéal. Parce que le contribuable accorde peu de valeur à leurs prestations, plusieurs préparateurs couperont court à cette précieuse entrevue. «Dans la tête des gens, 200$ par déclaration, c'est du vol», déplore Yves Chartrand.

Il reconnaît qu'un préparateur à rabais ne rendra pas nécessairement de meilleurs services qu'un logiciel. Celui-ci, au moins, présentera au contribuable l'essentiel des principaux crédits... dans la mesure où le contribuable a la patience de les parcourir et comprend de quoi il retourne.

«Dans l'ordre, la catastrophe est de faire ses impôts à la mitaine, décrit Yves Chartrand. Les faire avec un logiciel est nettement mieux, c'est clair. La solution idéale est de trouver un bon préparateur enthousiaste.»

Le problème est de dénicher cette perle. Une minorité suit la formation nécessaire. «Il faut faire affaire avec des préparateurs qui font beaucoup de déclarations du même type que la vôtre, et qui le font avec passion», recommande-t-il.

Le contribuable aura aussi la responsabilité de recueillir et classer ses documents et de dresser une liste des points qui demandent éclaircissement.

Logiciel ou préparateur? C'est une question de calcul de risque: quelles sont les chances de trouver un préparateur compétent qui, par comparaison au logiciel, nous fera économiser au moins l'équivalent de ses honoraires? À chacun de juger selon sa situation.

L'ultime conseil d'Yves Chartrand: «Si vous ne savez pas ce que vous faites, ne le faites pas.»