Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Richard Beaulieu, d'Addenda Capital.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

La majorité des observateurs diraient que c'est l'énoncé de la Réserve fédérale américaine (Fed) qui a confirmé son intention de maintenir les taux d'intérêt bas pour une période prolongée. Mais moi, je considère que l'événement dominant de la semaine, c'est l'histoire de la Grèce qui est susceptible d'ébranler la confiance des investisseurs.

Si je recule quelques années an arrière, je constate que c'est un bris de confiance qui a provoqué la crise et la récession. Les investisseurs ont réalisé que des placements à faibles risque pouvaient leur occasionner des pertes. Maintenant, si les investisseurs croient que les obligations d'un pays souverain comme la Grèce peuvent leur occasionner des pertes, ça pourraient fortement ébranler les marchés... surtout que beaucoup d'investisseurs s'étaient réfugiés dans les obligations gouvernementales, étant convaincus qu'elles ne feraient pas défaut. Je demeure optimiste. Mais c'est un facteur de risque important pour la reprise économique.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Les indicateurs du commerce international sont essentiels pour confirmer la vigueur de la reprise économique. Lors de la récession, on a vécu la plus forte contraction des flux mondiaux depuis la Grande Dépression. On a un début de redressement depuis quelques mois. Aux États-Unis, le déficit commercial régresse. Au Canada, il y a eu un déficit relativement fort durant la récession, alors que nos exportations vers les États-Unis se sont effondrées, surtout du côté de l'énergie. Maintenant, on est revenu en surplus... et ça augmente. C'est un ingrédient important pour la reprise canadienne.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je voudrais profiter de la reprise mondiale qui provient surtout des pays émergents. Le marché canadien est très bien structuré pour exploiter ce thème-là, car 45% de notre Bourse est concentrée dans l'énergie et les matières premières, deux secteurs cycliques qui profiteront de la demande des pays émergents.

On peut aussi aller vers les grandes multinationales américaines du secteur de la consommation, de vraies compagnies mondiales dont la croissance provient des marchés émergents. Le secteur américain de la technologie profitera aussi de la poussée des investissements en équipement, avec la reprise mondiale.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

On évite les banques américaines qui sont vulnérables à une hausse des taux d'intérêt à court terme et aux aléas du marché immobilier commercial américain.

Présentement, l'écart est très élevé entre les taux d'intérêt à court et long terme. Cela équivaut pratiquement à une subvention pour les banques (les banques se financent à court terme, puis investissent dans des titres à long terme, encaissant le rendement entre les deux taux). Mais cet écart va se résorber, ce qui comprimera leur marge de profit.

Les banques canadiennes vont aussi être touchées, mais elles sont beaucoup plus solides et diversifiées que les banques américaines. Elles ont connu une belle performance. Elles sont pleines de capitaux. Mais ça devient un défi de les rentabiliser...

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

On a des taux d'intérêt à court terme qui sont très en dessous de leur niveau d'équilibre normal. Présentement, les investisseurs sont encore très incertains quant à la hausse des taux. Mais quand l'économie se raffermir, cet été, les marchés vont changer très vite, en anticipation d'un resserrement de la politique monétaire. Il va y avoir un mouvement de hausse des taux d'intérêt à court terme, d'une ampleur qui va surprendre les marchés.

Par ailleurs, je pense que les marchés ne réalisent pas que les leviers de la croissance économique mondiale sont encore très forts. C'est un facteur positif pour une période prolongée.