À 55 ans, Diane s'extirpe peu à peu du marécage dans lequel l'avait laissée son divorce, conclu à l'amiable il y a quelques années.

L'entente lui a conservé l'intégralité de sa caisse de retraite -fort utile puisqu'il s'agit du régime de la fonction publique québécoise- mais lui a légué un sombre dossier de crédit. Diane avait endossé les prêts de son ancien conjoint, qui s'est révélé un mauvais payeur persistant.

L'infirmière touche un revenu de 58 000 $ par année. Elle a réussi à rembourser ses anciennes dettes mais ses épargnes de retraite en ont souffert: elle ne détient que 1350 $ en REER.

Malgré tout, il y a quatre ans, elle a pu acheter une maison à la campagne avec un ami, «en associés», dit-elle. Chacun a payé sa part, mais Diane a eu à composer avec les effets de son dossier de crédit. Une institution financière lui a consenti un prêt de 50 000 $, à un taux d'intérêt majoré de 1,5%. Elle a dû emprunter les 55 000 $ restants à un proche, à qui elle ne paie que les intérêts, sans rembourser le capital.

«Quand est-ce que je pourrais prendre ma retraite?», demande-t-elle, dans l'espoir de l'atteindre à 60 ans. «J'ai réussi à rembourser mes dettes. Je recommence à zéro financièrement. Qu'est-il mieux de faire avec mon argent? Mettre dans mon REER, rembourser l'hypothèque, payer l'auto?»

Le poids de l'hypothèque

Richard La Ferrière, planificateur financier chez TD Waterhouse, a fait deux projections pour répondre aux souhaits de Diane.

Elle-même a dû mettre la main à la pâte. Elle a soigneusement calculé, en dollars actuels, à combien s'élèveraient ses dépenses à la retraite. Elle en est arrivée à un montant étonnamment modeste de 25 000 $, soit près de 15 000 $ de moins que son revenu net actuel. Il est vrai qu'elle doit pour l'instant payer un appartement à proximité de son travail. «J'aime mieux garder ma maison que de voyager, ajoute-t-elle à propos de ses projets de retraite. J'ai coupé les voyages. C'est un choix. J'habite dans un petit paradis.»

Encore faut-il que les emprunts pour ce paradis soient remboursés. Le prêt bancaire, qui échoira en 2017, pèse de 7600 $ par année sur son budget. Pour les premières années d'une retraite à 60 ans, il faudrait donc à Diane des revenus nets de 32 940 $, selon les calculs de notre planificateur.

Or, entre 60 et 65 ans, son régime de retraite et la RRQ ne lui procureront qu'environ 29 900 $, une fois l'impôt payé.

À 65 ans, après la coordination de sa rente de retraite avec la RRQ et le début du versement de la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV), son revenu net atteindrait 31 600 $. Mais rapidement, ses dépenses excéderaient ses revenus. En effet, la rente de retraite de Diane n'est pas indexée à moins d'une inflation de 3%. Or, le planificateur suppose une augmentation du coût de la vie de 2% par année et une espérance de vie de 90 ans.

«Pour prendre sa retraite en 2015 en disposant d'un revenu après impôt de 32 940 $ en dollars actuels et de 25 000 $ à compter de 65 ans, Diane devrait économiser une somme supplémentaire de 1579 $ par mois», indique Richard La Ferrière. «Ce n'est pas raisonnable compte tenu de sa situation financière actuelle.»

À défaut, elle devrait restreindre ses dépenses de retraite à 19 435 $.

Et encore, ce scénario suppose qu'avant d'arriver à la retraite, Diane réussisse à rembourser l'hypothèque contractée auprès d'un proche, dont les seuls intérêts lui coûtent déjà 2700 $ par année. Cette précaution requiert un effort de plus de 900 $ par mois.

Dans ces conditions, Diane ne peut donc rattraper ses cotisations REER, d'autant plus qu'avec son piètre dossier de crédit, sa capacité d'emprunt est nulle. «Si vous disposez de liquidités, je vous recommande de réduire vos emprunts», l'enjoint notre spécialiste.

La situation est cependant différente si elle travaille jusqu'à 65 ans. La rente de retraite de son employeur et celle de la RRQ seraient toutes deux maximisées, pour un revenu brut total de plus de 45 000 $ avec la PSV. Les surplus budgétaires accumulés durant les premières années de retraite, investis avec un rendement de 6%, permettraient à Diane de maintenir jusqu'à 90 ans un coût de vie légèrement supérieur à ses objectifs, soit 25 250 $ par année en dollars actuels.

Elle doit cependant avoir acquitté sa seconde hypothèque au moment d'aborder la retraite. Pour la rembourser en neuf ans, elle devrait y consacrer 510 $ par mois. Cet objectif serait à sa portée, si on en croit Diane, qui pense pouvoir épargner 500 $ à 600 $ par mois.

Diane devra probablement reporter sa retraite à 65 ans. Heureusement, «je ne suis pas tannée de travailler, dit-elle. J'aime mon travail.»