Après un recul majeur dans les années 90, les dépenses militaires mondiales ont explosé de 45 % depuis le début du XXIe siècle. Et tout porte à croire que la tendance continuera de monter, selon les analystes Angelo Katsoras et Pierre Fournier, de la Financière Banque Nationale (FBN). Ce qui peut en faire un secteur d'intérêt pour les investisseurs.

«Même s'il n'est certainement pas immunisé contre les ralentissements économiques, le secteur militaire a été historiquement épargné quand ces périodes difficiles coïncidaient avec des tensions géopolitiques croissantes», écrivent les analystes dans un rapport intitulé The Military Industry and Global Instability : The Ultimate Defensive Investment ?

Et c'est le cas actuellement, soutient la FBN. La montée de nouvelles puissances, comme la Chine et l'Inde, est indéniable. Par le passé, ce phénomène a souvent été accompagné d'une accentuation des tensions mondiales.

Le Moyen-Orient, où se trouvent les principaux clients des Américains, reste instable en plusieurs endroits.

D'éventuels conflits sur les ressources, amplifiés par les changements climatiques, pourraient aussi éclater dans plusieurs parties du monde. Tout cela devrait continuer de pousser à la hausse les dépenses militaires.

Mais si les dépenses militaires globales (près de 1500 milliards $US) sont revenues au niveau de 1988, la configuration du monde n'a plus rien à voir avec celle de la fin de la Guerre froide, et les menaces ne sont plus du même ordre. Les investisseurs qui veulent profiter de la croissance du secteur militaire devraient tenir compte de l'évolution du secteur avant de placer leurs billes.

Vers les pays émergents

Le budget militaire des États-Unis a beau représenter 41,5 % des dépenses mondiales, la croissance la plus importante des dépenses militaires viendra des pays émergents et en développement. Déjà, de plus en plus de sociétés occidentales ont remarqué ce phénomène et augmentent leur exposition aux marchés internationaux, constate les analystes de la FBN.

La portion des transferts d'armements vers les pays en développement est passée de 58,4 % pour la période 2001-2004, à 76,4 % en 2008.

La Russie et la Chine ont presque doublé leurs dépenses militaires de 1999 à 2008. Les estimations du budget militaire chinois sont nombreuses, mais l'une d'entre elles prévoit que le budget doublera encore d'ici 2016, passant à 255 milliards $US. La Chine se positionne aussi comme un grand exportateur militaire, ce que les entreprises américaines devront surveiller de près.

L'Inde presse le pas aussi. New Delhi a augmenté ses dépenses militaires de 34 % en 2009, et prévoit les augmenter encore de 25 % en 2010. C'est un marché d'exportation en forte croissance, surtout desservi par Israël (30 % des importations indiennes) et la Russie. Les sociétés américaines espèrent pouvoir prendre leur part du gâteau dans les années à venir, pendant que l'Inde compte aussi bâtir son industrie intérieure.

Le Brésil n'est pas en reste et son président a déjà laissé entendre que le pays pourrait augmenter les dépenses militaires.

Pendant ce temps, le budget militaire américain pourrait être appelé à diminuer, avec le retrait des troupes d'Afghanistan et d'Irak et la pression de la dette. Sauf que la FBN fait état d'un boom des exportations américaines dans les pays émergents, ce qui devrait largement compenser une potentielle baisse du budget américain, qui s'établira en 2010 à 708 milliards $US. Les États-Unis représentent aujourd'hui 68 % des exportations d'armements dans le monde.

La guerre nouveau genre

La clientèle du secteur militaire se diversifie, et les produits demandés changent. Les investisseurs avisés devraient savoir que les opérations militaires ne sont plus seulement affaire de bateaux, d'avions et de chars d'assaut.

On remarque une tendance claire vers l'équipement ou les technologies militaires tournées vers la lutte au terrorisme ou les autre menaces non conventionnelles. Il est de plus en plus question de cybersécurité, de surveillance, de détection de bombe, de véhicules anti-mines ou de systèmes de communication. Ou encore de défenses anti-missile ou d'avions sans pilotes.

SI LE VICE VOUS INTÉRESSE

Il n'existe que deux fonds communs américains avec une exposition significative au secteur militaire, selon la firme Morningstar. Le premier est le Vice Fund, dont le nom résume on ne peut plus clairement les secteurs visés : le militaire (23% des actifs), le jeu, le tabac et l'alcool. La firme USA Mutuals, qui gère le fonds, estime que ces industries prospèrent peu importe l'état de l'économie. Pourtant, le rendement annualisé sur cinq ans du Vice Fund est de -0,24 %. Le second fonds, le Fidelity Select Defense & Aerospace, est investi à 53 % dans le secteur militaire. Il a offert un rendement annualisé de 3,8 % sur cinq ans. Il existe aussi aux États-Unis deux fonds négociés en Bourse concentrés sur l'aérospatiale et la défense. L'un est géré par iShares, l'autre par PowerShares. Morningstar n'a recensé aucun fonds canadien mettant l'accent sur le secteur militaire.

RECOMMANDATIONS D'INVESTISSEMENT DE LA FINANCIÈRE BANQUE NATIONALE :

> Favoriser les sociétés avec une exposition significative au monde en développement. Éviter les sociétés surexposées au monde développé

> Favoriser les fournisseurs de produits électroniques de pointe nécessaires pour contrer les menaces non conventionnelles et terroristes

> Favoriser les fabricants de drones, ou avions sans pilote

> Favoriser les fabricants de systèmes de défense destinés à intercepter les missiles de courte et de moyenne portée

> Favoriser les fournisseurs d'équipement militaire et de services requis pour les soldats au front

Source : The Military Industry and Global Instability, Financière Banque Nationale