Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, André Marsan, président de Sigma Alpha Capital.

Q. À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?La hausse des taux d'intérêt à moyen et long terme. Les taux sur les obligations de 30 ans du Trésor américain sont passés de 4,48% à 4,71%. À notre avis, ces taux pourraient atteindre 6% à la fin de 2010, et 7% en 2011, même s'il n'y a pas de reprise inflationniste.

L'explication réside principalement dans l'augmentation marquée des ratios déficifit/PIB et dette/PIB (produit intérieur brut) dans presque tous les pays du monde, notamment aux États-Unis, aux Royaume-Uni, au Canada, au Japon, etc. Les taux d'intérêt vont devoir augmenter, afin de générer assez d'épargne pour financer toutes les obligations émises par les gouvernements.

L'alternative serait de hausser substantiellement les taxes et les impôts, pour réduire les déficits. Justement, le président Obama a dit, cette semaine, qu'il souhaitait imposer une nouvelle taxe d'environ 90 milliards de dollars aux 50 plus grandes institutions financières. Mais, dans nos démocraties, la solution des hausses d'impôt est presque un suicide politique.

Q. Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Il y en a plusieurs qui sont très importants: le revenu personnel disponible, le taux d'épargne personnel, le prix du pétrole, la production industrielle chinoise. Mais le plus importante reste les taux d'intérêt. Une remontée trop forte (au-delà de 4,5% sur les obligations US 10 ans qui sont autour de 3,75% en ce moment) pourrait provoquer une rechute de l'immobilier résidentiel et commercial, qui entraînerait à son tour une rechute du secteur financier et un nouvel effondrement des marchés.

Q. Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Si vous pensez avoir besoin de cet argent d'ici trois à cinq ans, restez cash! Les marchés sont trop risqués. D'ailleurs, le peu de volume de transactions, sur les marchés, est un signe que les investisseurs ont très peu de conviction présentement.

Par contre, si ce montant constitue de l'épargne excédentaire dont vous n'aurez pas besoin immédiatement, séparez les 10 000$ en trois tranches: un tiers dans l'or, un tiers dans les marchés boursiers chinois et coréen, et un tiers en cash.

Q. Quel placement évitez-vous à tout prix?

Il faut éviter toutes les obligations qui ont une échéance de plus de trois ans. Je vendrais même à découvert les obligations de 30 ans (ndlr: la vente à découvert permet de profiter de la chute d'un titre).

Q. Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les marchés financiers sous-estiment la gravité de l'impasse dans laquelle les gouvernements des pays développés se sont placés en voulant prendre des mesures monétaires et fiscales extrêmes pour se sortir de la crise économique et financière dans laquelle ils se sont vus soudainement plongés.

L'impasse dépend de l'ampleur des déficits encourus qui menace de faire monter les taux d'intérêt, ce qui mènerait facilement à une rechute de l'immobilier et à un affaiblissement du secteur bancaire.

L'impasse découle aussi du fait qu'on encourage les consommateurs à dépenser tous leurs revenus pour stimuler la croissance économique. Mais s'ils épargnent moins, qui financera les déficits?

Dans ce contexte, le meilleur scénario serait une reprise économique faible, avec peu d'inflation, de légères hausses des taxes pour réduire les déficits, et une politique monétaire expansionniste.

C'est le scénario le plus probable. Mais les risques sont élevés. C'est pourquoi je reste dans les marchés, qui ne sont pas si chers. Mais, je ne suis pas trop loin de la porte!