Au fil des dix dernières années, d'importants gestes ont été posés dans le but d'accroître les droits des couples homosexuels au Canada, mais lorsqu'il est question de planification financière, certains conseillers notent qu'il existe encore d'importantes différences avec ce que vivent les couples hétérosexuels.

Souvent, tout dépend de leurs objectifs financiers à long terme et des précautions prises, ou non, dans l'éventualité où l'un des deux partenaires rendait l'âme avant que les documents relatifs à la succession aient été convenablement remplis.

Ces embûches peuvent facilement être contournées si une stratégie financière est élaborée, mais ce n'est pas toujours facile, reconnaît Julia Chung, gérante d'une succursale de la Banque de Montréal du centre-ville de Toronto.

Certains couples homosexuels, de même que les personnes bisexuelles et transsexuelles, ne veulent pas discuter de leurs vies privées avec des étrangers, ou oublieront d'importants détails qui pourraient modifier leur avenir financier. Par exemple, ils pourraient ne pas parler d'un enfant né d'une relation précédente, ou de leurs rêves de devenir parents, à court terme.

«Vous découvrez ces détails plus tard, de sorte que la planification financière mise de l'avant n'a plus aucun sens, fait remarquer Mme Chung. Ce problème est plus important à l'extérieur de Toronto et dans de petites villes. Il faut donc créer une atmosphère qui incitera les gens à se confier.»

Instaurer ce dialogue à «coeur ouvert» est l'un des plus grands défis des couples homosexuels et de leurs conseillers financiers et légaux.

Catherine Watson, une avocate de Halifax spécialisée en planification successorale, note que les couples canadiens ont l'habitude de se pencher sur leurs finances au moment où ils s'apprêtent à convoler en justes noces.

Mais en matière de relations homosexuelles, un tel élément déclencheur est relativement nouveau compte tenu du fait que le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur le mariage civil en 2005.

Mme Watson fait remarquer que bon nombre de couples homosexuels vivront une relation à long terme sans pour autant épouser leur partenaire. Ainsi, ces conversations approfondies sur leur situation financière seront laissées de côté.

«C'est très important d'avoir préparé tous vos documents, avise Mme Watson. Et dès que vous avez décidé que votre conjoint actuel est la personne qui vous tient le plus à coeur, et que vous voulez assurer son avenir, c'est le temps d'agir», ajoute-t-elle.

Selon Mme Watson, plusieurs couples homosexuels ont tendance à croire que les conjoints de fait bénéficient des mêmes privilèges que les personnes mariées, en vertu du code civil, et ce à tous les niveaux.

Sur le plan fiscal, le gouvernement accorde les mêmes bénéfices que le couple soit marié ou qu'il vive en union de fait. Mais en ce qui a trait à la planification successorale, les règles sont totalement différentes.

Et certaines provinces, comme la Nouvelle-Ecosse, ne reconnaîtront pas le couple si l'un des partenaires meurt sans avoir préparé un testament ou une procuration, ce qui signifie que le survivant ne pourra réclamer les biens de son conjoint.

Pour cette raison, rappelle Mme Watson, il est important de rédiger des testaments car si aucun bénéficiaire n'a été identifié, le gouvernement transférera la succession à un consanguin. Le Québec et l'Ile-du-Prince-Edouard ont adopté des lois semblables.

Mais peu importe la province de résidence, la préparation d'un testament et sa mise à jour régulière sont deux des éléments les plus importants d'une planification financière globale, soutient Patricia Lovett-Reid, vice-présidente chez TD Waterhouse.

«J'ai vu des membres d'une famille refuser que le partenaire soit nommé bénéficiaire de la succession, a-t-elle confié. Des membres d'une famille exclus d'un testament pourraient en contester la validité. Il est donc important de mettre ses testaments à jour, car un mariage aura pour effet d'annuler les testaments rédigés avant la cérémonie.»

Selon Mme Lovett-Reid, les couples vivant en union de fait, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels, sont sur un pied d'égalité par rapport au gouvernement. Mais un dialogue doit être établi.

«Il est important de s'asseoir et d'élaborer un plan qui correspond à la situation familiale. C'est une question d'émotivité.»