Sans surprise, un tiers des Canadiens ont changé leurs habitudes d'épargne au cours de la dernière année et près du quart d'entre eux ont mis plus d'argent de côté, révèle un sondage de Desjardins Sécurité financière (DSF). Mais à se fier aux dernières récessions, ce que DSF qualifie de bonnes habitudes ne durera pas.

Selon des données fournies par l'Institut de la statistique du Québec à La Presse Affaires, le taux d'épargne des Québécois tend à augmenter quand le PIB se contracte ou ralentit sa croissance de façon importante.

«Mais aussitôt que la confiance revient, le taux d'épargne reprend sa tendance à la baisse, que ce soit aux États-Unis, au Canada et au Québec», note Mario Couture, économiste au Mouvement Desjardins. Le phénomène est observable tant pendant la récession du début des années 80 que dans celle du début des années 90.

«C'est l'effet résiduel de la récession, explique le professeur Maurice Gosselin, titulaire de la chaire Groupe Investors en planification financière de l'Université Laval. Les gens sont plus prudents et continuent à épargner même après la récession. Ça dure un certain temps puis, au fur et à mesure que le souvenir de la récession s'estompe, le taux d'épargne redescend.»

«Nous avons connu plusieurs récessions par le passé, mais les gens ont la mémoire courte quand il s'agit de mauvaises nouvelles», observe pour sa part Michael Aziz, vice-président régional chez DSF.

Mario Couture estime néanmoins que la récente récession aura changé quelque chose. «Je ne pense pas qu'on revienne à une situation où les ménages québécois dépensent autant que dans les deux dernières décennies, avance-t-il. Peut-être que le taux d'épargne ne diminuera donc pas autant.»

Un réveil

Depuis la fin de 2008, le taux d'épargne des Québécois est passé de 1,1% à 2,9%, au deuxième trimestre de 2009. Une augmentation qui confirme le constat du sondage de Desjardins Sécurité financière. Les consommateurs dépensent moins - un Canadien sur deux, par exemple, a réduit ses sorties au restaurant - et donc épargnent plus.

«Les gens, surtout les jeunes, se sont réveillés quant à l'importance de l'épargne», dit Maurice Gosselin.

Responsable du service budgétaire chez Option consommateurs, Caroline Arel remarque aussi que les gens sont plus réceptifs aux concepts de coussin de sécurité et de fonds de roulement.

Même si, comme le souligne Maurice Gosselin, les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas, ce qui ampute les rendements de plusieurs outils d'épargne.

Au début de l'année 1981, le taux d'épargne a franchi les 20% au Québec. Mais depuis, avec l'accès de plus en plus facile au crédit, la tendance est à la baisse.

Le taux a frôlé les 1% juste avant la récession. Un taux qui, parallèlement à la forte croissance du taux d'endettement, a inquiété plusieurs personnes. Mais Mario Couture nuance le portrait. Depuis 10 ans, la valeur nette du bilan des ménages s'est maintenue à environ 75%. «La situation n'est pas aussi dramatique qu'on le pense.»

James O'Connor, économiste à l'Institut de la statistique du Québec, ajoute que le taux d'épargne est loin d'être le seul élément qui peut amener une croissance du patrimoine. Le rendement et la prise de valeur des actifs en sont d'autres.

M. O'Connor indique aussi que puisque le nombre de retraités (qui ont moins besoin d'épargner) a beaucoup augmenté, le calcul du taux d'épargne est faussé. «Le taux d'épargne est donc sous-estimé, mais on ne sait pas jusqu'à quel point», explique-t-il.