Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Marc Gagnon, de l'Industrielle-Alliance.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?Cette semaine, nous avons eu plusieurs bonnes nouvelles économiques: automobiles, ventes au détail, ventes de maisons. Mais surtout, l'indice ISM manufacturier américain est sorti mardi. Bien qu'il ait diminué un peu en novembre, les sous-composantes de l'indice étaient assez intéressantes. Les stocks ont diminué de 46,9 à 41,3, tandis que les nouvelles commandes ont grimpé de 59,5 à 60,3. Donc, l'écart entre les deux a augmenté de 12 à 19 point, ce qui signifie qu'on a moins de stocks pour répondre à une demande accrue. C'est positif pour la production à venir.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

La création d'emplois est la plus importante statistique en ce moment. Cela aurait un effet positif sur les marchés. Il faut que la demande finale reprenne, pour repartir la production. Si les gens trouvent un travail, ils pourront recommencer à dépenser. Même les gens qui ont déjà un emploi seront plus à l'aise de faire des dépenses qu'ils avaient mis en attente à cause des temps incertains.

Ce qu'on voit c'est que la situation s'améliore. L'économie américaine a déjà créé un million d'emploi en termes réels depuis deux mois (sans l'ajustement pour la saisonnalité). De plus, les nouvelles demandes d'assurance chômage (moyenne des quatre dernières semaines) ont baissé de 15 000.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je chercherais à bâtir un portefeuille diversifié de titres cycliques, qui vont bien se comporter si l'économie s'améliore. Oui, je parle d'une présence dans les secteurs de l'énergie (surtout du pétrole) et des matériaux (métaux de base), mais pas uniquement dans ses secteurs-là. Car si l'économie américaine va bien, le dollar américain pourrait remonter et cela nuirait au prix des matières premières, à court terme.

J'irais aussi dans les produits industriels (Transforce), la consommation discrétionnaire (Magna International, Le Château), et en technologie (Groupe CGI, et Softchoice qui répondrait bien à une augmentation des dépenses d'investissement pour des logiciels de la part des sociétés).

Quel placement évitez-vous à tout prix?

En tant que gestionnaire d'actions canadiennes, j'éviterais de surpondérer les titres défensifs qui vont moins bien performer que le reste du marché. Particulièrement, je me pose des questions sur les fournisseurs de télécommunications (Bell, Rogers Communications, Telus). Leur industrie arrive à maturité et la concurrence s'accentue. Ils ont de la croissance dans le sans-fil, mais ils doivent dépenser beaucoup pour améliorer leurs réseaux, sans pouvoir hausser leurs prix de vente, à cause de la concurrence.

De plus, j'éviterais les sociétés de communications qui vivent de revenus publicitaires. Elles font face à des changements structurels avec le déplacement de la publicité vers l'internet. Je ne condamne pas le secteur à mort, mais il faut attendre qu'il trouve un nouveau modèle d'affaires. Moi, je crois qu'il faudra rendre l'accès à l'information payant. Je vois difficilement comment on pourra l'éviter.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

On pourrait être surpris que l'économie aille mieux que prévu. Et si ça va un peu trop bien, on pourrait se retrouver avec une hausse des taux d'intérêt (mais je ne crois pas qu'on aura des hausses rapides) et à une remontée du dollar américain (ce qui est plus plausible).

Je pense qu'on aura du bon temps pour encore six à neuf mois, à la Bourse. Même si la Bourse a beaucoup remontée, il y a encore du jus. Et il ne faut pas le manquer parce qu'ensuite on pourrait entrer dans une période moins rentable: il y aura beaucoup d'épouvantails.

Le danger, c'est que les investisseurs ne soient pas positionnés profiter de la hausse. Le risque, c'est autant de perdre de l'argent quand ça baisse, que de ne pas en faire quand ça monte.