Il y a une nouvelle recrue dans le milieu montréalais du placement. Une recrue de marque. Après avoir gravi les échelons chez Fidelity à Boston durant une décennie, elle a obtenu la consécration à seulement 33 ans en obtenant le titre de meilleur gestionnaire de fonds aux États-Unis en 2007 par le site web MarketWatch, membre de la famille Dow Jones.

Deux ans - et une sabbatique de six mois pour faire le tour du monde - plus tard, Maxime Lemieux rentre au bercail. Depuis le 1er novembre dernier, le gestionnaire originaire de Québec et diplômé en commerce de l'Université McGill gère un fonds de 5,5 milliards de dollars à partir de Montréal. Le fonds Fidelity Frontière Nord est le fonds d'actions canadiennes le plus important de la famille Fidelity. Maxime Lemieux ne compte pas changer la philosophie ayant fait son succès à Boston: avoir une vision à long terme, garder ses titres en moyenne deux ans et protéger ses arrières en cas de catastrophe sur les marchés. En entrevue à La Presse Affaires, il dévoile 10 de ses secrets afin de connaître du succès à la Bourse.1. Miser sur les marchés émergents...

Au cours des dernières années, les marchés émergents ont battu à plates coutures les principaux indices boursiers américains. Sur un horizon de cinq ans, l'indice des pays émergents de Morgan Stanley s'est apprécié de 43,5%, comparativement à 5,5% pour le Dow Jones et 6,6% pour le S&P 500. Selon Maxime Lemieux, la tendance risque de se poursuivre au cours des prochaines années. «C'est une thèse difficile à contourner pour les investisseurs, dit le gestionnaire de 35 ans. Les pays émergents représentent maintenant plus de 50% de l'économie mondiale et ils ont continué de croître de façon absolue malgré la crise. Des classes moyennes se créent. Les infrastructures de ces pays ne sont pas encore complétées. Les bilans financiers sont intéressants, les pays font des réserves monétaires. C'est tout un contraste avec l'Europe et les États-Unis qui s'endettent.»

2. ...et leur allié canadien!

Les investisseurs hésitant à s'aventurer sur les marchés émergents ont une option de rechange plutôt facile: la Bourse de Toronto, dont le rendement depuis cinq ans (+29,7%) n'est pas trop éloigné de celui de l'indice des pays émergents de Morgan Stanley (+43,5%). «Le Canada est drôlement bien placé pour profiter de la situation des pays émergents, dit Maxime Lemieux. Le TSX est une porte arrière pour ce marché. Il est exposé aux pays émergents car la moitié de son indice boursier est composé des secteurs des ressources naturelles et de l'énergie.»

3. Les banques avant les assureurs

Maxime Lemieux aime plusieurs secteurs à la Bourse de Toronto, mais son préféré ces temps-ci reste celui des titres financiers. Surtout les banques, largement épargnées par la crise à Wall Street. «Les banques canadiennes sortent de la crise sans avoir à réparer leurs bilans, dit-il. Si la croissance économique revient, les banques vont rester performantes. Bien sûr, les banques ne sont pas données actuellement, mais les facteurs fondamentaux vont rester positifs pour les banques.» À éviter: les assureurs, qui seront bientôt forcés de diluer leur actionnariat. «Manuvie l'a fait la semaine dernière, dit Maxime Lemieux. Les assureurs investissent beaucoup leurs primes dans des obligations à long terme, qui ne donnent pas de bons rendements présentement. Si le taux de ces obligations reste bas, ça risque de poser des problèmes.»

4. Le train de Buffett

Maxime Lemieux est de ceux qui ont décidé de monter dans le train de Warren Buffett. Au début du mois, l'Oracle d'Omaha a investi massivement - 44 milliards $US - afin d'acheter la compagnie ferroviaire Burlington Northern Santa Fe, qui se spécialise dans le transport de marchandises. Selon Maxime Lemieux, l'Oracle d'Omaha ne s'est pas trompé dans son évaluation du secteur ferroviaire. «Les volumes ont diminué de 10% et les profits sont restés les mêmes dans le secteur ferroviaire, dit-il. Ça indique un changement profond dans cette industrie. Beaucoup de vieux contrats vont être renouvelés. Les entreprises ferroviaires tirent avantage de façon disproportionnée de leurs coûts moins élevés que ceux des transporteurs par camion. On s'attend à une reprise plus faible, mais les compagnies de transport ferroviaire ont seulement besoin de petites hausses de volumes afin de générer des hausses de profits importantes.»

5. Une dernière chance en or

Qu'importe si l'or a atteint un sommet historique - 1192,80 $ l'once à la fermeture jeudi, un record en termes absolus et une hausse de 35 % depuis le début de l'année -, Maxime Lemieux en veut davantage dans son portefeuille. Surtout si l'état de l'économie et des finances américaines continue de se détériorer. «Il y a moyen d'être constructif avec l'or sur un horizon de 12 mois, dit-il. Tant que la Fed continuera d'imprimer de l'argent comme elle le fait depuis un an et demi, le contexte sera positif pour l'or.» Aux États-Unis, l'inflation (sans l'immobilier) est actuellement plus élevée que les taux d'intérêt de la Réserve fédérale américaine. Résultat: une diminution du pouvoir d'achat des détenteurs de dollars américains. Des circonstances parfaites pour le cours de l'or, qui sert de valeur refuge. Cette belle histoire se terminera toutefois quand la Fed, encouragée par d'éventuelles bonnes nouvelles au niveau de l'emploi, haussera les taux d'intérêt. «Le jour où la Fed n'aura pas besoin de soutenir autant le dollar américain, l'or va effectuer un repli, c'est certain», dit Maxime Lemieux.

6. Le lingot, pas les aurifères

Toujours dans l'or, Maxime Lemieux préfère acheter le métal lui-même plutôt que les titres des sociétés qui tentent de l'extraire. «L'or tend à performer mieux historiquement que la moyenne des entreprises aurifères», dit-il. Les chiffres depuis le début de l'année lui donnent raison: le cours de l'or est en hausse de 34,9% contre 15,6% pour les aurifères du TSX. «Il faut aussi faire attention avec les titres aurifères, prévient Maxime Lemieux. On ne peut pas détenir ces titres-là pendant trois ans en se fermant les yeux. Ces titres ont une fenêtre d'investissement plus courte.» Note aux investisseurs qui détiennent des fonds indiciels du TSX: ils sont exposés comme jamais aux hauts et aux bas des aurifères. «Les aurifères constituent 13% du TSX, c'est un record, dit-il. Au début des années 80, ce n'était pas plus de 8% du TSX.»

7. Surpondérer avec des fonds indiciels négociés en Bourse

Un gestionnaire de fonds communs en faveur des fonds indiciels négociés en Bourse, ses rivaux qui gagnent du terrain? Pourquoi pas. «Si un investisseur a une bonne connaissance des secteurs, je ne suis pas là pour le décourager, dit Maxime Lemieux. Les fonds négociés en Bourse peuvent être une bonne façon d'avoir une surpondération à un secteur particulier.» Le gestionnaire de Fidelity a toutefois quelques réserves. À son avis, les fonds négociés en Bourse ne sont pas pour tous les investisseurs. «Il ne faut pas se lancer là-dedans si on ne connaît pas bien les marchés boursiers, dit Maxime Lemieux. Les gens mettent plus de temps à chercher pour leur nouvelle auto que pour leurs placements.»

8. Diversifier, diversifier, diversifier

La règle d'or de tout investisseur: la diversification. «Évidemment, on peut avoir des surpondérations, dit Maxime Lemieux. Mais à long terme, la diversification réduit le risque et la volatilité.» Le gestionnaire de fonds communs prêche peut-être pour sa paroisse, mais il croit que les fonds diversifiés restent la meilleure solution pour bien des petits investisseurs. «Ces fonds doivent rester la pierre angulaire du système pour les petits investisseurs, mais libre à eux de rajouter quelques fonds indiciels», dit-il.

9. Prendre un risque sur le huard

Se protéger ou ne pas se protéger contre les fluctuations de devises? Tel est le dilemme shakespearien des investisseurs canadiens ayant placé des billets à l'étranger, notamment dans les pays émergents si chers à Maxime Lemieux. Les fonds neutres en devises permettent de dormir tranquille, mais ils annulent l'avantage d'une hausse potentielle du huard. «Le dollar canadien risque de continuer à s'apprécier, mais pas de façon aussi importante qu'au cours de la dernière année», dit Maxime Lemieux, dont le fonds Fidelity Frontière Nord n'est pas protégé contre les fluctuations de devises.

10. Un ordinateur avec vos engrais?

Au cours de la prochaine année, Maxime Lemieux aura particulièrement à l'oeil les titres agricoles et les technos, deux secteurs qui n'ont rien en commun. Sauf peut-être leur demande croissante dans les pays émergents. «L'agriculture fut un secteur décimé cette année, dit-il. En agriculture, on peut s'en sortir durant une année sans acheter des produits chimiques, mais pas plusieurs années. La Chine aura bientôt besoin de ces produits. Quant aux titres technos, la demande ne provient plus seulement des États-Unis mais aussi des pays émergents. La thèse du BRIC (Brésil-Russie-Inde-Chine) est en train de passer des ressources naturelles aux outils de production. Le Brésil n'a jamais acheté autant d'ordinateurs!»

Et un bonus

Investisseurs stressés, changez vos habitudes


Cessez de regarder les cotes de la Bourse le matin. Venant du gestionnaire de fonds par excellence aux États-Unis il y a deux ans, le conseil a de quoi surprendre. «Les gens devraient arrêter de surveiller la Bourse au quotidien, dit Maxime Lemieux. Il faut plutôt voir à long terme, diversifier ses investissements. Ça reste la meilleure solution, car c'est trop difficile d'avoir le timing parfait en Bourse.» Au lieu d'avoir le nez rivé sur les fluctuations quotidiennes des titres, les détenteurs de fonds communs devraient plutôt s'intéresser au passé de leurs gestionnaires de leurs fonds. «Il faut bien connaître les gestionnaires, dit Maxime Lemieux. Ce n'est pas tous les gestionnaires qui vont bien faire dans toutes les situations.»

Note: Tous les rendements boursiers sont en date du mercredi 25 novembre à la fermeture des marchés, à l'exception des rendements de l'or et des entreprises aurifères qui sont en date du jeudi 26 novembre à la fermeture des marchés.