«Je veux les aider parce que ce sont des gens travailleurs et ambitieux.» Elle a bon coeur, Cécile.Sa fille Véronique et son conjoint, tous deux de 35 ans, voulaient acheter un immeuble locatif de 670 000$ dans une petite ville des Cantons-de-l'Est.

Notre lectrice leur a prêté 80 000$ pour réaliser ce projet. Elle a contracté à cet effet une hypothèque de 80 000$ sur un immeuble locatif dont elle est elle-même propriétaire.

Le prêt qu'elle a consenti à sa fille est d'une durée de cinq ans, renouvelable. Le remboursement est établi à 500$ par mois, avec possibilité de payer davantage, à la discrétion des enfants. Le taux d'intérêt est fixé à 2,55%, à revoir après un an selon les taux de la Banque Nationale. «Je ne fais pas de profit, c'est juste pour les aider», assure Cécile.

Mais son geste soulève quelques questions.

Quels seront les conséquences fiscales?

Les intérêts sont-ils déductibles?

Aurait-il été préférable que Cécile participe à l'acquisition de l'immeuble, comme elle en avait d'abord eu l'intention?

«Je l'ai fait avec mon coeur plus qu'avec mon portefeuille», dit-elle.

Un coeur bien avisé?

La bonne attribution

Natalie Hotte, planificatrice financière et fiscaliste chez Banque Nationale Gestion privée 1859, était contente: oh le beau cas!

Il lui permettait de passer en revue la question des règles d'attribution, mal comprises, même au sein de la communauté fiscale. Partageons son enthousiasme avec un exemple.

M. Quidam transfère à sa conjointe ou à son enfant mineur un actif afin de réduire sa facture fiscale. Pour éviter cette évasion, le fisc lui attribuera les revenus que procure cet actif, dès lors que deux conditions sont remplies.

Premièrement, le transfert consiste soit en un don, soit en un prêt sans intérêt ou à un taux d'intérêt inférieur à celui prescrit par le fisc. Ce taux est présentement fixé à 1%. En second lieu, le bénéficiaire utilise ce don ou ce prêt pour produire un revenu - placement ou achat d'un immeuble locatif, par exemple.

Les deux conditions doivent toutes deux être présentes.

«Si je donne ou prête de l'argent à ma fille pour qu'elle se procure une maison dans laquelle elle va vivre, il n'y aura pas de conséquences fiscales», précise Natalie Hotte.

De même, s'il s'agit d'un prêt à un taux d'intérêt égal ou supérieur au taux prescrit, les règles d'attributions ne s'appliquent pas, même si l'enfant a utilisé ce prêt pour produire un revenu.

Ces critères concernent les transferts à un conjoint ou à un enfant mineur. Une troisième condition s'ajoute dans le cas des enfants majeurs -et c'est là que se situe la subtilité mal comprise que notre spécialiste se réjouissait d'éclaircir, pour notre plus grand bonheur. Le don ou le prêt doit avoir l'objectif principal de réduire la facture d'impôt du donateur.

S'il s'agissait d'un don ou d'un prêt désintéressé à un enfant majeur, les règles d'attribution ne s'appliquent pas. Même si l'enfant utilise ce don ou ce prêt dans un but lucratif!

«Même si Cécile avait prêté sans intérêt, il n'y aurait pas eu de conséquences au niveau des règles d'attribution», en conclut Natalie Hotte.

Intérêts déductibles?

Véronique pourra-t-elle déduire les intérêts qu'elle verse à sa mère? Il faudra cette fois répondre à quatre critères. Ces intérêts sont exigés en vertu d'une obligation légale -un contrat, par exemple. Ils doivent être véritablement versés ou être payables. Le prêt doit servir à gagner un revenu de bien ou d'entreprise. «Et il faut surtout que la dépense soit raisonnable, indique enfin Natalie Hotte. Si Cécile chargeait par exemple 8% dans le contexte économique actuel, ça pourrait être questionnable.»

Pour Cécile, la part d'intérêt dans le remboursement que lui verse sa fille constitue un revenu imposable.

Mais Cécile paie elle-même des intérêts sur les 80 000$ qu'elle a empruntés. Pour qu'elle puisse les déduire, ces intérêts doivent répondre aux mêmes quatre critères. «Si la somme est empruntée dans le but de produire un revenu de biens -dans son cas des intérêts-, ces frais d'intérêts devraient être déductibles», indique Natalie Hotte.

Cependant, si Cécile demande à sa fille un intérêt identique à celui de son propre emprunt, il est difficile de soutenir que l'objectif était d'en tirer un revenu.

C'est pourquoi, conseille notre planificatrice, Cécile devrait demander à sa fille un taux d'intérêt légèrement plus élevé que son propre taux d'emprunt.

Cécile aurait-elle dû participer à l'achat de l'immeuble? Elle a pris la bonne décision, estime notre planificatrice. Sans doute le rendement sur son investissement aurait-il été plus élevé, mais ce n'était pas là son objectif et elle aurait couru tous les risques de l'aventure.

LES DONNÉES

Cécile vient d'hypothéquer une propriété afin d'accorder un prêt de 80 000$ à sa fille et son gendre pour leur permettre d'acheter un immeuble. Était-ce la meilleure solution? Quelles sont les conséquences fiscales?

LES PARAMÈTRES

Cécile, retraitée

Emprunt de 80 000$ garanti par une propriété locative

Taux d'intérêt: 2,55%

Amortissement sur 15 ans.

Prêt à sa fille de 80 000$, pour acheter un immeuble locatif

Prix: 670 000$

Revenus de location: 68 000$

Prêt sur cinq ans, renouvelable

Taux d'intérêt: 2,55%

Remboursement: 500$ par mois.

Accélération du remboursement à volonté.

LA RÉPONSE

Bonne solution, mais l'entente devrait être ratifiée avec un notaire. Qu'advient-il s'il y a défaut de paiement? Peut-on attacher une garantie au prêt, pour que Cécile soit remboursée en priorité si un problème survient? Si Cécile décède, sa fille sera-t-elle débitrice de la succession? Toutes questions qui pourraient être résolues, pour la sérénité de tous.