Il y a longtemps que des résultats trimestriels d'entreprises comme ceux annoncés ces jours-ci n'ont été autant surveillés en bourse.

Et pour cause !Tout le milieu financier - banquiers d'affaires, analystes et investisseurs - cherche à valider l'ampleur du rebond boursier depuis le creux atteint en mars dernier.

D'autant que ce rebond, qui cote de 50 % à 70 % en quelques mois selon les principaux indices, s'avère déjà le plus vigoureux depuis la Grande Dépression des années 30.

Et entre temps, les principaux indicateurs économiques dans le monde industrialisé demeurent pour le moins nébuleux. Le pire de la récession mondiale semble passé, certes, mais la reprise s'annonce encore timide, sinon ardue. Aux États-Unis et en Europe en particulier.

Par conséquent, est-ce que le regain des résultats des entreprises aura lieu aussi rapidement qu'on s'y attend sur les marchés boursiers ?

Pour le moment, les résultats du troisième trimestre divulgués ces jours-ci par des entreprises en vue de l'économie nord-américaine s'avèrent plutôt mitigés.

Assez pour faire sourciller des observateurs aguerris comme Richard Yamarone, économiste en chef chez la firme new-yorkaise Argus Research.

« Les récents résultats d'entreprises qui sont moins pires que prévus dépendent encore de leurs coupures de dépenses plutôt que d'un regain de leurs revenus », souligne M. Yamarone dans son dernier bulletin hebdomadaire à ses clients-investisseurs.

« Or, l'économie n'est pas encore sortie du bois. En bourse, il y a un sentiment qui ressemble de plus en plus à une bulle alors que la prudence devrait être de mise. »

De fait, sur la bourse américaine, l'indice le plus représentatif, le S & P 500, est en hausse impressionnante de 62 % depuis le creux de mars dernier.

Depuis le début de l'année, le rebond après le krach de l'automne 2008 s'affiche déjà à hauteur de 20 %.

Même le multiple cours-bénéfice de l'indice S & P 500 - une mesure de valeur comparative - s'est rehaussé à 20 fois en ce qui concerne les bénéfices courants. C'est son niveau le plus élevé depuis cinq ans.

Au Canada, le regain boursier depuis le début de l'année s'avère encore plus vigoureux. L'indice-phare de la Bourse de Toronto a progressé de 28 % depuis 10 mois.

Même qu'aux environs de 11 475 points, le S & P/TSX a déjà récupéré la moitié de la dégringolade de 7500 points (ou 50 %) subie entre le sommet de juin 2008 et le creux de mars 2009.

Bref, à en croire cet indice boursier très dépendant des matières premières, de l'énergie et des services financiers - des baromètres de l'économie mondiale -, la pire récession mondiale en un demi-siècle serait en bonne partie résorbée.

Mais un tel scénario favorable pour un rapide rebond des résultats d'entreprises est mis en doute par plusieurs professionnels de la bourse.

« Les attentes envers un regain des résultats d'entreprises sont exagérées et prématurées. J'appréhende un repli lorsque les investisseurs réaliseront bientôt que leurs attentes de profits d'entreprises pour 2010 et 2011 sont encore trop élevées », avertit Kevin Caron, stratégiste boursier chez Stifel Nicolaus & Co.

Cette firme de la banlieue de New York supervise la gestion de 60 milliards de dollars américains en investissements.

Pourtant, les résultats trimestriels annoncés par de grandes entreprises ces derniers jours ont semblé en réconforter plus d'un en bourse.

Ce réconfort a même poussé l'indice Dow Jones des 30 principaux titres américains au-delà du seuil mythique des 10 000 points qu'il avait traversé il y a un an, le 7 octobre 2008.

De l'avis d'observateurs, cette allure favorable en bourse pourrait durer encore quelque temps avant de plafonner.

« Le rebond des bénéfices des entreprises s'annonce vigoureux avec la reprise de l'économie. Elles ont tellement élagué leurs coûts depuis deux ans que leurs marges bénéficiaires sont les plus fortes depuis 1970 pour une fin de récession », selon Pierre Lapointe, stratège de marchés financiers à la Financière Banque Nationale, à Montréal.

Par conséquent, il avise ses clients-investisseurs de continuer de favoriser les actions parmi les divers actifs les plus avantageux pendant les prochains mois de sortie de récession.

Dans son plus récent bulletin boursier, Pierre Lapointe a maintenu sa cible de 11 600 points pour l'indice S & P/TSX de la Bourse de Toronto d'ici juin 2010.

Du côté de la bourse américaine, il s'attend à une progression additionnelle d'environ 2,5 % de l'indice S & P 500 d'ici juin 2010, qui coterait alors autour de 1120 points.

Trop optimiste ?

Pas vraiment, d'après Jeffrey Palma, stratégiste boursier chez UBS Securities, à New York.

« Malgré le fort regain boursier, les valeurs ne semblent pas exagérées, quoique moins attrayantes qu'auparavant ».

Pour la suite, note-t-il dans une récente note à ses clients-investisseurs, « la poursuite de ce regain boursier dépend de plus en plus de la fiabilité des attentes de bénéfices pour 2010 ».

Mais chez la firme Standard & Poors, un ténor de l'analyse économique et financière en Amérique du nord, le stratège boursier principal, Sam Stovall, garde le doigt proche de la sonnette d'alarme.

« Il y a un risque de correction boursière de 5 % à 10 % au cours des tous prochains mois. Mais il s'agirait d'un repli passager avant la reprise haussière au début de 2010, avec le regain de l'économie mondiale », a écrit M. Stovall dans une récente missive aux clients de S & P.

- Avec Bloomberg, AP