La retraite s'annonçait pourtant radieuse. À 51 ans, en 2006, Luc a vendu sa petite entreprise, pour laquelle il a encaissé 500 000 $. Ce pécule, soigneusement investi chez un gestionnaire de fonds, lui assurait un revenu annuel de 50 000 $.

« 2006 et 2007 auront été deux années de bonheur, raconte-t-il, la belle retraite bien méritée après plus de 28 ans de dur boulot à plus de 65 heures par semaine. » Cette félicité n'a pas duré. Son portefeuille a ensuite plongé de 125 000 $.

« Ma vie a changé dramatiquement en moins d'un an, poursuit-il. Je suis retourné au travail et ma vie est misérable à travailler 30 heures par semaine, à 15 $ l'heure seulement, pour payer mes dépenses de base et avoir un peu de loisirs. »

Le passé

Le planificateur financier Martin Dupras, d'Aon Conseil, a fait le portrait des événements.

Au moment de l'ouverture du compte, en 2006, la Bourse canadienne paraissait en bonne forme. Le gestionnaire de Luc lui avait construit un portefeuille composé de 25 % d'actions canadiennes et de 75 % d'obligations. Un portefeuille « assez conservateur mais probablement cohérent » pour un retraité qui tire principalement son revenu de retraite de cette source, aux yeux de Martin Dupras.

Ces 500 000 $, croyait Luc, devaient lui procurer un revenu de 50 000 $ par année, sans réduire son capital. Le calcul est simple : si on ne tient pas compte des frais de gestion, il fallait que le rendement atteigne 10 %.

Plusieurs spécialistes estimaient à l'époque que la Bourse canadienne était en mesure de produire autant, rappelle Martin Dupras. Mais le portefeuille de Luc ne comptait qu'un quart d'actions canadiennes. En supposant qu'on prévoyait en 2006 un rendement de 5 % sur les obligations, le portefeuille de Luc ne pouvait en fait prétendre qu'à un rendement total de 6,25 %.

Petit résumé du calcul de notre planificateur : 75 % de 5 % pour les obligations, plus 25 % de 10 % pour les actions. « Une fois les frais annuels de 1,5 % prélevés, ajoute-t-il, le rendement résiduel devient 4,75 %. »

Sur un capital de 500 000 $ qu'on souhaite préserver, un tel rendement ne produit qu'un revenu annuel de 23 750 $. « Les attentes de rendements originales, par conséquent les retraits prévus, étaient donc trop élevées », conclut le conseiller.

L'avenir

Le portefeuille de Luc vaut maintenant 375 000 $. Que peut-il en tirer ?

Pour l'estimer, Martin Dupras a utilisé les normes d'hypothèses de projection publiées par l'Institut québécois de planification financière.

Ces normes supposent pour 2009 une inflation de 2,25 %, et des rendements de 3,75 % pour les placements à court terme, 4,75 % pour les obligations et autres revenus fixes, et 7,25 % pour les actions canadiennes.

Selon ces données, avec un portefeuille comme celui de Luc, soumis à des frais de gestion de 1,5 %, on pourrait espérer un rendement d'environ 4 %.

« Sur un portefeuille résiduel de 375 000 $, on pourrait donc tirer un revenu annuel de 15 000 $ sans toucher le capital », énonce notre planificateur.

Pas de solution miracle pour Luc, donc. À moins qu'il ne réussisse à vivre avec 15 000 $ par année – avant impôts ! –, il devra continuer à travailler.

Martin Dupras suggère néanmoins quelques mesures. Si ses revenus imposables sont suffisamment élevés, Luc pourrait profiter de ses droits de cotisation REER inutilisés pour réduire ses impôts. Pourquoi alors ne pas investir dans un fonds de travailleurs notamment le FondAction, en raison du crédit supplémentaire temporaire ? Un CELI réduirait l'impôt sur les rendements. Et enfin, Luc pourrait même envisager la souscription d'une rente viagère.

Quand il aura davantage de certitudes sur les revenus d'emploi qu'il peut obtenir, Luc pourra demander une planification de retraite complète.

Chose certaine, il faudra longtemps avant que les beaux jours d'antan ne reviennent.