Ses enfants - et les enfants en général - « l'avaient trop facile «. Trop facile de simplement exprimer des besoins, des envies. Trop facile de demander à papa de brandir sa carte de crédit.

Philippe Racine, issu d'une famille de cinq enfants, cherchait une façon de les sensibiliser à la valeur de l'argent et à l'importance de l'épargne.

Et puis, cet entrepreneur en informatique, ce crack des bases de données, souhaitait que ses deux jeunes enfants comprennent enfin comment il gagne sa vie. « Je voulais faire un projet qui me rapprocherait de la réalité de mes enfants», confie-t-il.

Il y a deux ans, entre deux mandats, il a commencé à imaginer et à « bizouner » une tirelire qui compterait les sous qu'on y met, avec le concours de l'ingénieur en électronique Nguyen Hoan Hoang.

Le résultat est déposé sur la table de conférence de l'entreprise Ekomini, officiellement fondée en mars dernier. Dessiné par la firme LB2 Design, le ventru coffre au trésor orange porte à son sommet un boîtier électronique amovible, percé de la fente emblématique de toutes les tirelires du monde. Chaque fois qu'on y glisse une pièce de monnaie, un doigt mobile, poussé par un ressort, prend la mesure de son diamètre, et la carte électronique en comptabilise la valeur.

C'est déjà bien.

Ce n'était toutefois pas suffisant. « Mes enfants sont toujours sur l'internet, observe Philippe Racine. Il faut que l'enfant puisse voir à l'ordinateur l'argent qu'il met de côté.»

C'est pourquoi un fil blanc relie le coffre à un ordinateur portable. Dès qu'elle est branchée, la tirelire est mise en communication avec le site web d'Ekomini, où l'enfant peut constater la somme qu'il a accumulée.

Sur ce site sécurisé, l'enfant, accompagné d'un parent, peut préciser un projet, se fixer le programme d'épargne nécessaire pour le réaliser, trouver les façons d'amener de l'eau à son moulin - argent de poche, cadeaux, petits travaux rémunérés ou récompensés...

Philippe Racine y a ajouté un autre objectif qui lui tient à coeur. S'il le désire, l'enfant peut verser une part de ses épargnes à une cause humanitaire ou sociale de son choix.

Mais il manquait encore une touche ludique. C'est pourquoi la plateforme internet prend la forme d'une petite communauté, Ekominiville. Ses consciencieux habitants pratiquent une éthique de la saine gestion. Les personnages entraînent l'enfant dans des jeux qui, espère-t-on, lui inculqueront des notions d'épargne, de partage et autres nobles valeurs...

Pour rendre la chose intéressante, il fallait des méchants. Ils habitent Crookville, une cité dévoyée où les habitants avares et égoïstes mènent leur communauté à la faillite. À un point où ils ont subtilisé toute la menue monnaie de la planète. Où l'ont-ils cachée ? Ce sera l'objet d'une chasse au trésor nationale, lancée en octobre, au moment de l'introduction de la tirelire sur le marché.

D'autres péripéties suivront. « Notre objectif est d'arriver avec de nouveaux jeux, de nouvelles aventures qui amèneront certains volets d'épargne, tout en conservant le côté amusant «, expose Philipe Racine.

Une vingtaine de personnes, parmi lesquelles des concepteurs de jeux et des infographes, travaillent pour la jeune entreprise. Elle se définit comme une société spécialisée dans les jeux éducatifs qui favorisent l'apprentissage financier. Curieusement, ce beau programme n'a pas attiré les prêteurs institutionnels. « J'ai enfin un produit noble, qui répond à un besoin, et c'est un produit presque impossible à financer «, déplore Philippe Racine. Les fonds nécessaires au développement et à la fabrication ont été recueillis auprès d'investisseurs privés.

Avec un premier prototype, toutefois, Ekomini a pu éveiller l'intérêt de grandes chaînes qui ont accepté de distribuer la tirelire. Elle sera sur le marché à la mi-octobre pour 39,95 $.

«Les parents nous l'ont répété, indique Guy Pressault, vice-président ventes et mise en marché chez Ekomini : si c'est amusant, les enfants vont jouer, si ça ne l'est pas, ils ne joueront pas.»

Bref, les enfants auront le dernier mot.