Tout découle de l'eau. Et de la famille, aussi.

Manuel Desrochers n'était ni ingénieur, ni designer, ni manufacturier.

Mais il avait la passion de l'eau. C'est en suivant son fil qu'il a conçu et fabriqué Ovopur, un appareil domestique de filtration d'eau potable qui a gagné divers prix de design.

Il ne trouvait pas d'appareil qui répondait à ses exigences de performance, d'esthétique et d'impact minimal sur l'environnement. «J'en suis venu à la conclusion qu'il fallait que je conçoive mon propre produit si je voulais être bien servi», raconte l'homme de 33 ans.

Il a mis trois ans à le mettre au point, guidé par des principes qu'il voulait aussi purs et limpides que cette eau qu'il cherchait à produire.

Il a suivi les préceptes édictés par un spécialiste autrichien du début du XXe siècle, selon lequel, pour la conservation de l'eau, rien ne vaut la céramique et les rondeurs. La céramique poreuse rafraîchit par évaporation, et les formes rondes favorisent les mouvements de l'eau, sans restriction ou angle rentrant qui entraînerait une prolifération bactérienne.

Manuel Desrochers a abandonné la porosité, mais la céramique est demeurée, vitrifiée.

Et l'idée de rondeur a fini par éclore sous la forme d'un oeuf.

La filtration s'effectue sans électricité, par simple gravité. Une petite boule de céramique amovible s'installe au sommet du réservoir ovoïde. On peut y verser jusqu'à quatre litres d'eau, qui diffuseront au travers d'une cartouche de filtration jusque dans le réservoir, lui-même d'une capacité de 11 litres.

Manuel Desrochers voulait éliminer tout plastique, antithèse de ses principes. «Je hais le plastique, surtout pour le contact avec l'eau, lance-t-il. Et la céramique vitrifiée est beaucoup plus stable chimiquement.» L'objectif n'est pas atteint parfaitement: il n'a pu éviter quelques rares pièces de plastique - «mais la plupart ne sont pas en contact avec l'eau», assure-t-il avec empressement.

La cartouche de filtration en verre contient quatre couches de substrats filtrants - technologie éprouvée et reconnue, explique Manuel Desrochers, ce qui lui a évité un long et coûteux processus de certification. Après quatre mois d'usage, Aquaovo remplace la cartouche fatiguée par une nouvelle, expédiée par la poste. La cartouche périmée est renvoyée à l'entreprise par retour de courrier, dans le même emballage préaffranchi. Elle sera nettoyée, rechargée et réutilisée.

Le socle en verre a été long à voir le jour. Il fallait laisser la vedette à l'oeuf et ne brimer en rien la pureté de ses formes. Il est finalement déposé sur une manière de coquetier cylindrique en verre, parfaitement transparent.

Une histoire de familles

Aquaovo a été lancé en juin 2007. «Hé, c'était notre deuxième anniversaire hier!» s'exclame Noémie Desrochers, qui le réalise soudainement. En charge de la gestion et de la mise en marche, elle est la soeur cadette de Manuel, plus jeune d'un an.

Car c'est une affaire de famille. Le réservoir et son socle en verre sont fabriqués en Chine, où Noémie a justement travaillé pendant six ans, à soutenir la distribution du matériel de culture hydroponique de l'entreprise paternelle. Vous voyez la filiation aquatique...

«Les fournisseurs sont souvent de petites familles d'artisans que nous sommes allés rencontrer sur place, assure-t-elle. C'est très éthique.»

Les socles de verre sont soufflés au chalumeau, «à l'ancienne, insiste Manuel Desrochers. La céramique est moulée une à une, à la main, dans des moules de plâtre, selon des traditions ancestrales. C'est ce qui fait l'attrait de notre produit.»

Il lui a fallu se creuser la tête pour respecter ses principes d'intégrité formelle. Comment constater le niveau d'eau sur un réservoir opaque autrement qu'en soulevant le couvercle? La solution est aussi poétique que simple: la jauge est une boule de plastique (!) creuse, qui flotte à la surface de l'eau. Elle contient un petit aimant cylindrique, libre d'y rouler. Un autre aimant similaire est apposé sur la surface extérieure de l'urne. Les deux s'attirant au travers de la paroi, l'aimant externe signale la position du flotteur. Joli.

Joli mais coûteux: 689$ pour Ovopur, plus 118$ par année pour les remplacements de cartouches. Chiffres à l'appui, Manuel et Noémie Desrochers soutiennent néanmoins que l'appareil s'amortit en un an, par comparaison à l'achat et l'usage d'un distributeur d'eau avec bouteilles de 18 litres. Et il s'agit d'un bel objet «qu'on met en évidence», ajoute Manuel.

Évidemment, on peut se demander s'il est bien nécessaire de filtrer l'eau potable du robinet, mais ceux qui en sont convaincus achètent déjà de l'eau embouteillée.

Caviar, une nouvelle version plus exclusive, vient d'être mise sur le marché, au prix de 799$. Son réservoir noir est déposé sur un socle cruciforme en bois. C'est un autre frère, ébéniste celui-là, qui a fabriqué le prototype. Il y a encore de l'aide en réserve: la fratrie compte sept membres.