Vous vous intéressez à vos ancêtres? Eux aussi. Il y a les passionnés. Et il y a les profiteurs. Voici comment les distinguer.

Vous vous appelez Tremblay? Connaissez-vous les armoiries de votre famille?

Les voici, ci-contre.

Vous pouvez en obtenir une copie numérique pour 20,93$, taxes incluses.

Les Simard en ont aussi. Et les Gagnon. Les Boisvert, les chanceux, ont même une devise: Conscienta et fama, connaissance et renommée. Mais avec une erreur d'orthographe: il fallait probablement lire conscientia. «Le mot conscienta n'est attesté dans aucun grand dictionnaire de latin classique», constate un professeur de latin de l'Université de Montréal, consulté pour l'occasion.

À ces armoiries, on peut adjoindre, pour 12,95$, un historique de son nom de famille - ramassis de généralités sur la France et la Nouvelle-France, mention du premier arrivant, plus quelques personnalités homonymes (pour les Gauthier, on mentionne le couturier Jean Paul Gaultier!).

Tout cela, on l'apprend, on le voit - et surtout on le paie - sur le site Internet www.houseofnames.com

«Ces armoiries, on peut aussi les acheter dans les centres commerciaux», commente Claire Boudreau, médiéviste, titulaire d'un doctorat en héraldique et héraut d'armes de l'Autorité héraldique du Canada. «Ce sont des compagnies à but lucratif qui ont numérisé des dictionnaires de l'Ancien Régime et des index, et ils les vendent sans se soucier des liens généalogiques.»

Bref, il n'y a probablement aucun rapport entre vous et les armoiries censées correspondre à votre patronyme.

À qui s'adresser pour remonter sa lignée familiale sans puiser dans sa marge de crédit?

«Les archives nationales du Canada ou du Québec, les sociétés de généalogie dûment identifiées sont excellentes, il n'y a aucun problème, répond Gisèle Monarque, présidente de la Société généalogique canadienne-française. Ce qui est inquiétant, ce sont les sites payants qui s'annoncent un peu partout.»

Mêmes précautions à l'égard des chaînes généalogiques prédigérées trouvées sur l'Internet à partir d'un nom de famille. «Il se peut que ce soit bien, poursuit-elle. Mais si vous n'en êtes pas sûr, imprimez-la et venez nous voir.»

La Société généalogique canadienne-française, la plus ancienne et la plus importante du Québec, a été fondée il y a 65 ans par un père franciscain. «Les gens payaient alors 700$ pour avoir leur chaîne généalogique, évoque Mme Monarque. Ça l'a fâché et il a fondé une société à but non lucratif.»

La cotisation annuelle de 45$ donne droit à une revue trimestrielle. «Nous sommes des bénévoles. Notre but n'est pas de faire les chaînes généalogiques, mais de montrer aux gens comment les faire.»

Si elle met les gens en garde contre les recherches payantes plus ou moins approximatives, Mme Monarque reconnaît qu'il y a des chercheurs sérieux. Elle cite Micheline Lécuyer, qui gagne sa vie avec des recherches généalogiques approfondies. «Je ne fais presque plus de lignes ascendantes parce que presque tout le monde peut les faire, explique celle-ci. Je fais davantage une histoire de famille, avec toutes les preuves. À chaque génération, je trace le profil de l'ancêtre.»

Selon la complexité de la commande, le coût peut varier de 500$ à 2000$. Cher? «J'y mets un minimum de 300 heures de travail», assure Mme Lécuyer.

De son côté, la Société généalogique canadienne-française cède à certaines demandes particulières et peut tracer une ligne généalogique directe pour 150$.

Mais il est beaucoup plus amusant de le faire soi-même.