Pluvieux? Ensoleillé? Nuageux? Les météorologues de la Bourse ne s'entendent pas sur leurs prévisions estivales. Certains pensent qu'il faut profiter de la reprise boursière printanière pour empocher des profits et se retirer quelque peu du marché. D'autres soutiennent que la reprise boursière ne fait que commencer et qu'il serait fou de ne pas en profiter jusqu'à la fin. Cinq stratèges boursiers, cinq bulletins météo différents.

ENSOLEILLÉ

Vincent Delisle, stratège en chef chez Scotia Capitaux

Plusieurs seraient satisfaits d'une reprise boursière de 40 %. Pas Vincent Delisle, qui prévoit une autre hausse du même genre d'ici un an. «Nous sommes au milieu de la reprise boursière», dit le stratège en chef chez Scotia Capitaux, qui estime que le TSX gagnera 40 % d'ici un an. L'indice torontois serait ainsi tout près de son sommet historique de 14 969 points atteint en juin 2008 - avant cette crise financière doublée d'une récession. Du côté américain, Vincent Delisle prévoit une hausse de 30 % de l'indice S & P 500 d'ici un an. «La reprise boursière n'est pas terminée, dit Vincent Delisle. La fin du monde devra attendre.» Malgré son optimisme, Vincent Delisle n'écarte pas complètement l'hypothèse d'un ralentissement en Bourse cet été. «Un ou deux chiffres décevants peuvent ramener certains points d'interrogation sur les marchés», dit-il.

Prévision TSX : +40 % en un an

À privilégier

Les titres de consommation discrétionnaire, les financières, le secteur de l'énergie, le secteur des matières premières, les technos

«Ce sont des secteurs traditionnellement sensibles aux soubresauts de l'économie. Ils sont donc intéressants lors d'une reprise économique.»

À éviter

Les titres de consommation de base, les services publics, les aurifères et le secteur de la santé.

À surveiller

Les pertes d'emploi aux États-Unis

350 000 pertes d'emploi en mai (record de 750 000 en janvier)

«J'espère qu'elles seront de seulement de 300 000 en juin, 250 000 en juillet et 200 000 en août.»

 

ENSOLEILLÉ AVEC PASSAGES NUAGEUX

Luc Girard, directeur du groupe de conseils en portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins

Cet été, Luc Girard préfère regarder du côté des États-Unis. Les plages du Maine et de la Nouvelle-Angleterre n'y sont pour rien. Ce sont plutôt les perspectives de rendement des indices américains comme le Dow Jones et le S & P 500 - à qui il prédit une hausse estivale de 10 % - qui l'attirent. «Les indices américains n'ont pas autant livré la marchandise que le TSX jusqu'à présent, dit-il. Ils pourraient bien être les vedettes de l'été.» Les marchés canadiens ne seront toutefois pas en reste. À son avis, l'indice de la Bourse de Toronto se situera entre 11 500 et 12 000 à la fin de l'été, soit un rendement entre 8 % à 13 %. Il émet toutefois une réserve importante à plus long terme. «Le TSX devrait ensuite redescendre et terminer l'année à 11 000 points», dit-il. Luc Girard justifie son pessimisme par une relance économique tardive... et l'émotivité des marchés boursiers. «Jusqu'à maintenant, les émotions ont eu beaucoup à voir avec la reprise boursière, dit-il. Il faudra attendre des bonnes nouvelles au plan des facteurs économiques fondamentaux avant d'avoir une reprise boursière prolongée.»

Prévision TSX : entre +8 % et +13 % en trois mois

À privilégier

Le secteur de l'énergie

À éviter

Les titres de services publics et les pipelines.

À surveiller

Indice Case-Shiller sur le prix des maisons aux États-Unis

133,99 (32 Baisses mensuelles consécutives/indice en juillet 2006, avant l'éclatement de la bulle immobilière : 206,52)

«La crise immobilière américaine est la cause de tous nos problèmes. Les États-Unis ont créé cette bulle immobilière en voulant donner accès à une maison à tout le monde.»

 

NUAGEUX

Pierre Lapointe, stratège des marchés financiers à la Financière Banque Nationale

Oui, vos placements continueront de progresser cet été. Mais jamais au rythme des derniers mois, dit Pierre Lapointe. «Nous venons de connaître une énorme reprise au cours des trois derniers mois, la plus importante en quatre décennies, dit le stratège des marchés financiers à la Financière Banque Nationale. Même si la tendance à la hausse va se poursuivre, nous ne pouvons garder le même rythme.» Malgré la hausse boursière qu'il anticipe cet été, Pierre Lapointe suggère de prendre rendez-vous avec son conseiller en placements avant le début des vacances. «C'est un bon temps pour rééquilibrer son portefeuille, dit-il. Avec toute l'activité sur les marchés au cours des derniers mois, plusieurs investisseurs ont vu leur allocation d'actifs changer.»

Prévision TSX : +12 % en un an

À privilégier

Le secteur industriel, la santé, les financières, les technos.

À éviter

Les titres de services publics et les pipelines. «Ce sont des secteurs qui offrent des dividendes généreux et qui sont sensibles aux variations des taux intérêt, qui sont en train d'augmenter. Or, une hausse des taux d'intérêt rend ces titres moins intéressants pour les investisseurs, qui préfèrent profiter des taux d'intérêt plus élevés.»

À surveiller :

Les pertes d'emploi aux États-Unis

350 000 pertes d'emploi en mai (record de 750 000 en janvier)

«J'estime qu'on recommencera à créer des emplois au plus tôt en août, au plus tard en octobre.»

 

NUAGEUX AVEC AVERSES DISPERSÉES

Stéphane Gagnon, vice-président et gestionnaire de portefeuille au Fonds des professionnels

Même si la reprise boursière n'est pas terminée, Stéphane Gagnon suggère d'encaisser certains profits. Notamment sur les titres cycliques comme les pétrolières. Au Canada, le sous-indice de l'énergie du TSX a gagné 55 % depuis son creux du 23 février dernier. «C'est un bon temps pour vendre», dit-il. À son avis, l'été sera «relativement tranquille» en Bourse - tout le contraire des 12 derniers mois. S'il aime bien le secteur minier, il se demande s'il est déjà trop tard en raison des récentes hausses vertigineuses de certains titres miniers. «Le rendement de l'indice minier canadien est de 158 % depuis le début de l'année, dit-il. C'est le secteur qui a donné le meilleur rendement depuis le début de l'année, mais c'est aussi le plus vulnérable pour l'avenir. Il a été alimenté par la Chine, qui s'est constitué des réserves stratégiques en raison de la faiblesse des prix. Il ne faut pas que la Chine ait atteint ses objectifs, car elle ralentira ses achats de matières premières.»

Prévision TSX : entre -5 % et +5 % en trois mois

À privilégier

Les titres de consommation discrétionnaire, notamment Canadian Tire, Reitmans et RONA

À éviter

Les titres aurifères

«L'or a été une valeur refuge importante durant la crise. Maintenant qu'elle est terminée, le secteur aurifère est vulnérable.»

À surveiller

L'indice manufacturier américain ISM

42,8 en mai dernier (comparativement à 32,9 en décembre dernier/cinq hausses mensuelles consécutives)

«Cet indice qui reflète la santé de l'industrie manufacturière est considéré comme précurseur du rendement des marchés boursiers.»

 

ORAGES VIOLENTS

Carlos Leitao, économiste en chef et stratège à la Banque Laurentienne

«Il ne va pas faire très beau cet été», prévient Carlos Leitao, qui prévoit un recul d'environ 20 % au cours des trois prochains mois. «Je m'attends à une forte correction des marchés, dit l'économiste en chef et stratège à la Banque Laurentienne. Les marchés semblent croire que la reprise est arrivée et qu'elle est robuste. À mon avis, ils se trompent dans les deux cas.» Carlos Leitao suggère de profiter immédiatement des perspectives baissières estivales. «C'est un bon moment pour réévaluer son portefeuille et empocher ses profits, dit-il. Même au troisième trimestre, la reprise boursière devrait être pas mal plus modeste que lors des récessions précédentes.»

TSX : -20 % en trois mois

À privilégier

Les secteurs traditionnellement défensifs comme les services publics et la consommation de base

À éviter

Les secteurs très cycliques comme les matières premières

À surveiller

Les taux hypothécaires aux États-Unis

De 5,29 % à 5,99 % (hausse du taux hypothécaire moyen 30 ans de Freddie Mac cette semaine/il s'agit du plus haut taux depuis novembre 2008)

«Les taux résistaient jusqu'il y a deux semaines. S'ils augmentent trop, ça pourrait retarder la reprise économique prévue à l'automne.»