La balle s'est fendue d'un sourire. Pepsi a commencé à distribuer au Québec ses contenants relookés, qui arborent le nouveau logo de l'entreprise. Le cercle demeure tricolore, mais la bande blanche centrale a muté.

«Dans l'ancien logo, on voyait l'effet d'une vague», décrit Sylvain Charbonneau, vice-président et directeur général de la Société du groupe d'embouteillage Pepsi, qui souligne au passage que Pepsi fêtera ses 75 ans au Québec le 12 juin prochain. «On voit maintenant un sourire, qui varie un peu selon qu'il s'agit de Pepsi, de Diète Pepsi et de Diète Pepsi Max. Pepsi est synonyme de joie, et ça s'est toujours reflété dans notre marketing.»

Mais est-ce bien l'impression que donne le nouvel emballage? La canette de Pepsi est bleu acier - c'est-à-dire la couleur de l'acier bleu d'un canon de fusil. Le Pepsi Max est noir. Rien qui respire la joie de vivre.

«Leur bon coup est assurément la petite balle souriante qu'ils exploitent très bien sur toutes les plateformes publicitaires, commente Hélène Godin, directrice de création chez Sid Lee. Mais même si elle est sympa, son utilisation est plutôt froide. Le détail du sourire en blanc qui grandit selon l'intensité du produit (enfin, je présume) est un résultat intellectuel. Je crois qu'ils se parlent à eux-mêmes, ici.»

En effet, s'il faut d'abord lire l'argumentaire pour ressentir l'émotion, l'effet est raté.

Les couleurs sont mates, sans trame ou effet graphique - une voie tracée par Coca-Cola en 2007. «C'est un design simple, épuré, et c'est la bonne chose à faire; en épurant de la sorte, cependant, ils ont enlevé toutes les émotions de la marque, déplore Hélène Godin. Tous les ingrédients sont là mais c'est un design froid.»

Or, l'émotion naît en partie de l'attachement, lequel dépend des liens tissés avec le temps.

Changement ou continuité?

«C'est quand même le 12e logo de l'histoire de Pepsi, rappelle Sylvain Charbonneau. Vis-à-vis de notre éternel concurrent, nous nous sommes toujours démarqués par ce risque que nous prenons d'être à l'avant-garde, de toujours évoluer.»

C'est précisément ce qu'on reproche à Pepsi. «Le problème, c'est qu'ils ne font jamais rien qui ait de la pérennité», lance Frédéric Metz, jusqu'à hier directeur du programme de graphisme de l'École de design de l'UQAM. «Ils sont forcés de continuer à changer de look, car ils font toujours des looks à la mode. Coca-Cola n'a jamais fait ça: il a le même logo qu'à l'origine.»

Et ce logo est sans doute la marque la plus reconnaissable dans le monde. Dans ses cours de graphisme, Sylvain Allard (depuis aujourd'hui directeur du programme de graphisme de l'École de design de l'UQAM!) demande à ses étudiants de reconnaître des fragments de logos bien connus. «Avec Coca-Cola, c'est instantané: il ne peut y avoir que le coin du C et ils reconnaissent immédiatement la marque.»

Un exemple de simplicité, d'impact et d'image de marque puissante? La bouteille de Coca-Cola en aluminium conçue par Turner Duckworth. Rien qu'une signature qui s'enroule autour d'une bouteille uniformément rouge. La marque n'est jamais entièrement visible, mais il n'y a aucune ambiguïté sur son identité.

Contre-exemple de discontinuité? En janvier, Pepsi a renouvelé ses contenants de jus Tropicana et a fait disparaître son emblématique orange percée d'une paille. Les protestations de la clientèle ont été tellement fortes qu'après trois semaines, il a fallu interrompre la production en catastrophe pour revenir à l'emballage précédent.

Comme le souligne Sylvain Allard, Pepsi occupe une place prépondérante, au Québec, et les buveurs de Pepsi n'arrêteront pas d'en boire. «Mais je ne pense pas qu'ils en boiront plus avec cette image.»

Le dernier mot leur appartient.