Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Pierre Ouimet, stratège en chef chez UBS Gestion globale d'actifs Canada.

Q: À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Après une série de données économiques positives aux États-Unis, les marchés ont eu quelques désappointements cette semaine, notamment du côté des ventes au détail, des nouvelles demandes d'assurance chômage et des saisies de maisons par les banques.

 

Cela dénote que le consommateur entreprend le deuxième trimestre sur une note plutôt faible. C'est un retour à la réalité, au moment où le marché cherchait des raisons de se replier après une montée fulgurante. D'un point de vue technique, la Bourse américaine approchait allégrement de sa moyenne des 200 derniers jours, ce qui constitue un point de résistance. Elle était sujette à une correction.

Q: Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

La clé, ça demeure le consommateur américain qui forme 70% de l'économie. Au niveau actuel, la Bourse reflète amplement les perspectives de profits des entreprises. Toute remontée, à partir d'ici, devra être alimentée par une embellie des profits. Pour cela, il faut une économie forte. Et pour avoir une économie forte, il faut un consommateur en santé.

Donc, on surveille tout ce qui touche l'emploi. On suit les indices de confiance des consommateurs, le taux d'épargne, l'immobilier résidentiel. Globalement, le consommateur n'est pas en grande forme.

Q: Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Il faut aller chercher du rendement. Côté crédit, il y a de belles occasions dans les obligations de sociétés, mais il faut s'assurer de leur qualité de crédit. Du côté des actions privilégiées, certaines banques ont émis récemment des titres rachetables dans 5 ans (j'éviterais cependant les actions privilégiées perpétuelles)

Du côté des actions ordinaires, on trouve des entreprises qui versent des rendements intéressants dans des secteurs plus défensifs. Veut, veut pas, il faut une portion de son portefeuille en actions, parce qu'on pense qu'on a vu le pire, et que les économies mondiales vont se relever tranquillement.

Q: Quel placement évitez-vous à tout prix?

Premièrement, tout ce qui est marchés monétaires: les rendements sont inexistants. Deuxièmement, j'évite les obligations gouvernementales. On pense que graduellement les taux d'intérêt vont continuer à augmenter et que les craintes inflationnistes vont s'accentuer. Les rendements des obligations gouvernementales risquent d'être décevants.

Q: Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Le marché n'est pas d'avis qu'il y aura une reprise de l'inflation. Moi, c'est ce qui m'inquiète. Les prévisions d'inflation sont passées de 0,8% il y a six mois, à 1,5% aujourd'hui. Elles auront grimpé encore plus dans un an.

Ce qui m'inquiète aussi, c'est l'ampleur des déficits. Aux États-Unis, on parle de 15% du PIB, année après année. Tôt ou tard, il faudra relever les impôts des particuliers. L'injection de liquidité de la part des banques centrales me préoccupe aussi. Il y a eu une augmentation phénoménale de la masse monétaire aux États-Unis. Les liquidités doivent aboutir quelque part, soit dans les mains des consommateurs (risque d'inflation) ou dans des actifs (risque de bulle spéculative). Les banques centrales ont tellement jeté d'huile sur le feu, qu'elles risquent que le feu prenne partout. Seront-elles capables de retirer ces liquidités de façon disciplinée? Quelles seront les conséquences pour l'économie et le consommateur? Surtout si les taux d'intérêt remontent et la fiscalité s'alourdit, en même temps?

Pendant des années, on a vécu dans un environnement où les taux baissaient, ce qui a permis d'emprunter toujours davantage. Si les taux remontent, ce sera l'inverse. Les coûts d'emprunt vont monter, ce qui créera une ponction directe sur les consommateurs et les gouvernements. Il faut que tout le monde assainisse son bilan. C'est un processus long et ardu. Le désendettement va prendre des années.