Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Stéphane Gagnon, du Fonds des professionnels...

Q: À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Jeudi en fin de journée, les marchés ont connu les besoins de capitaux des grandes banques américaines pour satisfaire aux exigences du gouvernement. L'État leur a fait passer un test de résistance (stress test) pour s'assurer qu'elles puissent survivre au scénario du pire: baisse additionnelle du marché immobilier, taux de chômage à 10,3%, contraction économique de 3,3% en 2009.

 

Dans ces circonstances, leurs pertes seraient de l'ordre de 600 milliards US. Pour résister, 10 banques doivent aller chercher 75 milliards US d'ici six mois. Somme toute, c'est une bonne nouvelle. La somme est moins importante que prévu. L'exercice a permis de réduire la prime de risque dans le marché. Avant, on craignait que les banques ne soient plus capables de prêter, que les sociétés manquent de financement. Maintenant, les investisseurs sont redevenus très réceptifs aux émissions d'obligations.

Q: Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je surveille toujours l'indice ISM, qui reflète les intentions des sociétés manufacturières sur l'embauche, les prix, etc. La composante des nouvelles commandes est un indicateur précurseur assez efficace d'une reprise économique.

Dernièrement, tous les pays ont vu des augmentations. Et ça commence à se traduire par une hausse de la production manufacturière. Même que certains stratèges parlent maintenant d'une reprise en V (plus rapide), plutôt qu'en U (plus timide) qui aurait été seulement le résultat de la baisse des taux d'intérêt et des plans de relance gouvernementaux.

Je surveille un autre indicateur précurseur: les demandes d'assurance emploi (moyenne mobile 4 semaines). Les chiffres commencent à être moins négatifs. Quand on aura un vrai changement de ce côté-là, nous aurons la confirmation d'une reprise de la consommation dans les six prochains mois.

Q: Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

J'investirais dans un fonds équilibré de croissance, avec au moins 60% en actions et le reste en obligations.

J'aime surtout les actions à dividendes. Je suis plus à l'aise avec les sociétés qui ont un meilleur bilan: à moyen terme, c'est plus sûr. Je pense aux sociétés financières, surtout aux banques, mais aussi aux assureurs. Du côté des banques, nous privilégions la Royale, la TD et la Scotia, à cause de leurs meilleures perspectives de croissance. Parmi les assureurs, nous favorisons Manuvie et Great-West.

Q: Quel placement évitez-vous à tout prix?

Dans l'univers des actions canadiennes, il faut éviter les secteurs plus défensifs, comme l'alimentation et la câblodistribution (nous avons réduit nos positions dans Rogers, Shaw). Il faut aussi éviter les entreprises qui ont peu de croissance séculaire, comme les éditeurs (CanWest, Torstar). Enfin, nous sommes très tièdes vis-à-vis des sociétés aurifères, car nous ne pensons pas voir le spectre de l'inflation d'ici au moins un an.

Q: Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les gens sous-estiment le potentiel du marché des actions. Ils s'imaginent que le rebond n'est qu'un sursaut à l'intérieur d'un marché baissier. Je les entends dire: «Il va falloir vendre bientôt, parce qu'on a eu un rallye de 34%.» Ils risquent de sortir trop vite.

Nous, on reste assez optimistes, même si on n'exclut pas la possibilité d'une correction de 5 à 10%, car le marché est suracheté à court terme. Mais il y a beaucoup d'argent qui dort, beaucoup d'investisseurs qui attendaient les confirmations d'une reprise avant de revenir à la Bourse. Maintenant, ils les ont. Ils veulent revenir et ils attendent une correction pour le faire.