Ah! Les amis pleins de bonne volonté... Louise subit sinon leurs pressions, du moins leurs pressants encouragements à acquérir un appartement en copropriété.

Âgée de 55 ans, elle prendra sa retraite dans trois ans, avec une rente qui correspondra à 70% de son salaire. Elle gagne actuellement 82 000$ par année.

 

«J'ai été propriétaire pendant 25 ans mais, depuis sept ans, je suis locataire, relate-t-elle. Or, comme je suis exigeante, je paie un loyer de 1200$.»

En retour, elle n'a ni responsabilités ni dépenses d'entretien imprévues. «Mes amis me disent qu'avec ce budget je devrais acheter, que je n'ai rien à perdre.»

Elle hésite.

Car ses exigences sont strictes. Elle voudrait un appartement de deux chambres à coucher, neuf ou remis à neuf, avec terrasse, stationnement, vue dégagée. La copropriété idéale serait située dans les quartiers centraux de Montréal. «Je n'envisage pas déménager sous peu et je voudrais pouvoir y accueillir mes enfants et amis dans les années à venir», précise-t-elle.

Avec les mensualités hypothécaires, l'impôt foncier, les charges de copropriété, l'entretien, Louise ne veut pas payer davantage que son loyer actuel.

«Mais voilà, je ne trouve rien à mon prix, qui correspond à environ 225 000$ pour une mise de fond de 25 000$», poursuit-elle. «Par ailleurs, je reste hésitante à investir 25 000$ comptant dans l'immobilier, sachant que je ne pourrai plus avoir accès à cet argent sauf en vendant le tout.»

Le coût d'être proprio

Louise n'a pas de surplus budgétaire, estime Denis L'Hostie, directeur principal, planification financière, à la Banque Laurentienne. Elle verse 2100$ par année dans ses REER mais, outre cette épargne, ses revenus couvrent son coût de vie.

Louise détient 64 000$ en REER, 5000$ dans un CELI et 32 000$ en placements non enregistrés. Elle devrait encaisser sous peu une somme de 42 000$US.

Dans ces conditions, comment la retraite de Louise se dessine-t-elle? La rente du régime de retraite de son employeur est en théorie indexée, mais seulement au taux d'inflation moins 3%. «Comme nous utilisons un taux d'inflation de 2,5%, nous avançons comme hypothèse que la rente de l'employeur ne sera pas indexée au coût de la vie», explique M. L'Hostie.

À 58 ans, Louise sera admissible à une rente de la RRQ, estimée à 98% de la rente maximale. Elle encaissera la pension de la sécurité de la vieillesse à compter de 65 ans.

Le planificateur prend également en compte que Louise planifie des dépenses d'ameublement de 5000$ au cours des cinq prochaines années et qu'elle prévoit se procurer une voiture d'occasion de 8000$ à 10 000$ au moment d'aborder la retraite.

Denis L'Hostie a mouliné tous ses chiffres et en a tiré une conclusion: «Présentement, si elle garde son rythme de vie sans acheter de propriété, elle a suffisamment de revenus et d'investissements pour le maintenir jusqu'à l'âge de 87 ans.»

Reste à voir si l'achat d'un appartement lui assurerait la même sérénité.

Avec un apport de 25 000$, l'achat d'un appartement de 225 000$, amorti sur 25 ans avec un taux de 6,5%, grugerait 1340$ de son budget chaque mois. Denis L'Hostie estime que l'impôt foncier, les charges de copropriété, le chauffage et l'entretien arracheraient encore 6000$ par année.

Il faut en outre prévoir environ 14 000$ pour l'assurance prêt hypothécaire, les droits de mutation, les frais de notaire et de déménagement.

En somme, résume le planificateur, Louise gonflera ses dépenses annuelles de plus de 8000$ et devra délester ses placements de 39 000$. «En agissant ainsi, elle épuisera ses économies non enregistrées à l'âge de 60 ans. À l'âge de 65 ans, elle aura vidé tout ses REER.»

Pour maintenir son train de vie actuel, elle sera forcée de vendre son apartement à 65 ans afin de récupérer quelque capital. Malgré ce compromis, elle se trouvera à court de fonds à 82 ans, cinq ans plus tôt que si elle n'achète pas d'appartement. «En conclusion, financièrement, il ne s'agit pas d'une bonne décision», soutient M. L'Hostie.

Le planificateur a également pesé quelques facteurs d'un autre ordre. «C'est une personne qui déteste être réduite à l'immobilité, en ce sens qu'elle déteste ne pas avoir de marge de manoeuvre, constate-t-il. Si elle investit dans un appartement, elle grugera rapidement son coussin de sécurité, dont elle a besoin pour vivre une vie confortable et avoir l'esprit tranquille.»

Louise a évoqué l'idée de réduire ses exigences pour se contenter d'une seule chambre à coucher.

«Cette décision lui appartient», indique Denis L'Hostie, en ajoutant aussitôt une mise en garde: «Elle désire profiter des bons moments que la vie peut lui offrir et je crois qu'elle a intérêt à maintenir ses exigences pour son appartement.»

Louise tient en effet à une deuxième chambre pour accueillir ses amis. Mais rien ne l'oblige à accueillir favorablement leurs conseils...

LES DONNÉES

Revenus: 82 000$ par année

REER: 64 000$

CELI: 5000$

Placements non enregistrés: 32 000$

À encaisser sous peu: 42 000$US

«L'analyse financière nous démontre que Louise a intérêt à demeurer locataire.»

DENIS L'HOSTIE, directeur principal, planification financière, Banque Laurentienne.

 

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