Un monde d'émotions inconnues... Annick et Martin ont 35 ans et viennent d'avoir leur premier enfant.

L'arrivée du bébé était planifiée. Mais pas la réaction des parents devant sa fragilité et sa dépendance. Plus question de le confier à une garderie, au terme des 50 semaines de congés parentaux. Ils ont plutôt décidé que Martin prendrait alors une pause d'un an.

 

«C'est maman qui gagne le plus gros salaire, donc le congé de maternité a déjà beaucoup d'impacts sur le budget, explique Annick. Papa a de bonnes conditions et son employeur lui permet un congé parental sans solde, qui peut s'étendre jusqu'au deuxième anniversaire de bébé, ou un congé différé d'un maximum de 12 mois.»

Cette nouvelle préoccupation soulève plusieurs questions. «La principale est de savoir s'il est plus avantageux de prendre le congé sans solde à cause des crédits d'impôts qui deviendraient ainsi accessibles, puisque maman gagnera sensiblement moins d'argent en 2009 que normalement», poursuit Annick. Mais peut-être serait-il préférable de prendre plutôt un congé différé. Le revenu disponible du ménage serait moins comprimé, ce qui permettrait au couple de poursuivre ses cotisations REER.

«Y avoir pensé avant, confie la maman, nous aurions prévu un congé différé.» Ne voulant pas s'y faire prendre deux fois, ils veulent planifier de la même façon les congés pour un second enfant, à naître dans un maximum de cinq ans - avant la barrière des 40 ans. Mais de quelle façon le premier congé peut-il influer sur le second?

Notions de congés parentaux

Les planificateurs financiers Natalie Hotte et Sylvain Chartier, de la Banque Nationale, nous rappellent d'abord les règles cardinales du régime québécois d'assurance parentale. Dans le régime de base, maman a droit à 18 semaines de prestations à raison de 70% du revenu hebdomadaire moyen, limité en 2009 à un maximum assurable de 62 000$. Papa a droit de son côté à cinq semaines aux mêmes conditions.

Les deux parents peuvent ensuite se partager à leur guise 32 semaines de congés parentaux. Les sept premières donnent droit à 70% du revenu assurable, les 25 autres à 55%.

Le régime particulier permet de remplacer 75% du revenu assurable, mais sur une plus courte période.

Annick et Martin ont choisi le régime de base. C'est Annick qui prend le congé parental. Elle touche normalement un revenu annuel de 115 000$, a-t-elle appris à nos planificateurs. Avec un maximum assurable de 62 000$, les prestations au taux de 70% lui octroient donc l'équivalent de quelque 48 000$ par année.

Au premier anniversaire du bébé, Martin prendra le relais. S'il opte pour le congé sabbatique, il ne touchera aucun revenu pendant un an. S'il choisit le congé différé, ce manque à gagner sera réparti sur cinq ans, pendant lesquels il touchera 80% de son salaire de 60 000$.

Le congé avec traitement différé est plus avantageux, car les cotisations au régime de retraite continuent sur le salaire réduit, font valoir les deux conseillers. La rente de retraite sera quand même calculée sur le salaire normal de Martin. Pour conserver les mêmes avantages avec le congé sabbatique, Martin devrait racheter l'année de service perdue.

Quelques calculs

Les planificateurs ont évalué comment les revenus du couple varieraient au fil des ans, selon la voie choisie. Si Martin prend un congé sabbatique au premier anniversaire du bébé, à la fin de l'été, les revenus du couple s'établiront pour l'année 2009 à 106 000$. Ils grimperont à 140 000$ en 2010, à la faveur du retour au travail de Martin, tard dans l'année. Le couple reprendra en 2011 son revenu normal de 175 000$ par année.

Si le nouveau papa choisit plutôt la voie du congé différé sur cinq ans, les revenus du couple totaliseront 126 000$ en 2009 et se fixeront pour les quatre années suivantes à 163 000$.

Si cette avenue permet de limiter les variations de revenus, elle se bute cependant à l'échéance d'un deuxième enfant. Martin n'aura peut-être pas encore complété son cycle de cinq ans qu'il devra déjà demander un nouveau congé. «Si un remboursement anticipé des sommes du congé différé doit être fait pour prendre un congé sabbatique, observe les planificateurs, alors il est peut-être préférable de commencer par le congé sabbatique et de conserver la possibilité du congé différé pour le deuxième enfant.»

Cependant, le congé sabbatique, on l'a vu, présente l'inconvénient de réduire le revenu familial de près de 70 000$ en 2009. Dur impact sur un budget.

Annick a indiqué à nos planificateurs qu'elle estimait les dépenses normales du couple à 75 000$ par année. Elle croit qu'elles pourraient être temporairement réduites à 60 000$, malgré l'arrivée d'un enfant.

Or, les calculs de Sylvain Chartier montrent qu'un revenu familial brut de 175 000$ procure un revenu net d'un peu plus de 100 000$. Puisque le couple ne détient aucun actif non enregistré et qu'il a accumulé pour 105 000$ de droits de cotisation REER, il tire une conclusion: «Le couple dépensait tout ce qu'il gagnait.»

Deux hypothèses. Soit le couple évalue mal son budget, soit il a engagé des dépenses exceptionnelles - rénovations importantes, voyages.

Annick a confirmé la seconde hypothèse. Une question se pose alors: ces dépenses exceptionnelles semblent à ce point récurrentes qu'elles font peut-être partie du train de vie normal du couple...

«Si leur budget est effectivement plus élevé, une baisse des revenus nets de 40 000$ serait difficilement gérable», mettent en garde nos deux planificateurs.

Annick pensait qu'avec une année de congé sans solde, donc avec un revenu familial réduit, il serait possible d'avoir accès à certains avantages fiscaux qui sont pour l'instant interdits au couple. Pour le vérifier, Natalie Hotte a parcouru les différents programmes. «En 2009, la différence du revenu familial sera d'environ 20 000$ entre le choix de salaire différé (126 250$) et le congé sabbatique (106 250$), conclut-elle. Ainsi, considérant que le niveau de revenu familial excédera 100 000$ de revenu familial en 2009, il y a très peu d'impact au plan des crédits et des prestations.»

Résumons les conclusions de nos experts. Si le couple se contente d'un seul congé de deux ans, le congé différé est la meilleure solution. S'il veut répéter l'expérience avec le deuxième enfant, mieux vaut prendre d'abord un congé sabbatique, et réserver le congé différé pour la suite.

LES DONNÉES

Annick, 35 ans

Salaire: 115 000$

Actuellement en congé parental jusqu'en août 2009

REER: 35 000$

Droits inutilisés: 80 000$

Aucun actif non enregistré, sinon un peu de liquidités

Martin, 35 ans

Salaire: 60 000$

REER: 15 000$

Droits inutilisés: 25 000$

«Il est nécessaire de vérifier les différentes possibilités de congé auprès de l'employeur, selon la convention collective.»

Natalie Hotte, directrice fiscalité

Sylvain Chartier, directeur de la planification fiscale Banque Nationale Groupe financier

 

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