Comment réagiriez-vous si vous touchiez une grosse somme inattendue - héritage, prestation d'assurance vie, loterie? Sauriez-vous gérer l'argent, l'émotion, le stress?

Nicole - c'est le prénom qu'elle a choisi de donner - a vécu deux fois l'expérience, à 25 ans d'intervalle.

Il y a un an, quand elle a partagé avec une amie un lot de plus de 4 millions au Lotto 6/49, la femme de 53 ans a gardé son sang-froid. «J'ai appris à 28 ans à ne pas ébruiter la nouvelle, à en parler le moins possible, à ne pas faire de changements draconiens, et c'est ce que j'ai mis en application cette fois-ci», raconte-t-elle.

 

À l'époque, le décès de son mari lui avait laissé deux enfants en bas âge et une prestation de décès généreuse. «La triste histoire des Lavigueur, je la comprends, relate-t-elle. J'ai vu que ça part vite, quand on ne fait pas attention. C'est beaucoup de sous, alors tu changes ta maison. Tu en achètes une plus belle, une plus grosse; mais les taxes, les assurances et l'entretien viennent avec. Ça part vite. J'ai mis le frein.»

Il a aussi fallu compter avec les amitiés froissées, les regards entendus, les fines allusions - on sait bien, toi t'es riche... «J'étais sur mes gardes cette fois et ça s'est bien passé», constate-t-elle.

Son amie n'a pas eu la même discrétion. «Elle l'a ébruité, l'a crié, son conjoint aussi.» Le dimanche suivant, leur maison était cambriolée et saccagée. Ils ont déménagé peu après.

Un gros lot, ça ne change pas le monde? Faux. Ça change au moins le regard des autres. «Ma copine a encore des répercussions à son travail et son conjoint a changé d'emploi, poursuit Nicole. Il n'y a pas une jou rnée où tu ne te fais pas dire: On sait bien, toi t'es plein, tu n'as plus de problèmes à la fin du mois.»

Et il y a les Samaritains pleins de bonne volonté, empressés à lui trouver des occasions d'employer son argent: «Tu devrais t'acheter un chalet, il y en a un en vente dans le Nord.» «Non, répliquait Nicole. Si j'en veux un, je vais aller me le louer.»

Nicole a aussi appris à ne pas précipiter les investissements. «On a le gros bout du bâton quand on magazine notre forme de placement, où on veut mettre nos sous. Il faut prendre le temps de bien comprendre les différences des uns et des autres. Ensuite, on peut prendre une décision et, bien entendu, ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.»

Son conseiller est venu trois soirs à la maison pour lui donner des cours sur les différents types d'investissements. Sa succursale bancaire et celle de son conjoint se sont bien sûr rappelées à leur bon souvenir. «Je vous jure que ça change les choses. Ça fait plus de 10 ans que je fais affaire avec la même banque et c'est la première fois qu'ils savaient mon nom. Tout le monde dans la banque m'appelait par mon nom. Et tu n'attends plus en ligne!»

Avec sa nouvelle fortune, elle a remboursé le solde hypothécaire de sa maison, changé sa voiture et celle de son mari, et a payé une première maison à chacun de ses deux enfants. «Ma gâterie, je vais l'avoir ce mois-ci», confie-t-elle. Elle va franchir les Rocheuses en train, se rendra ensuite à Hawaii et en Polynésie, pour revenir par San Francisco.

Pour le reste, l'argent est réparti dans des placements variés. La débâcle boursière a eu des effets négatifs, mais n'a pas entamé la sérénité d'airain de la gagnante. «Tant que je ne touche pas à mes placements, je suis correcte», assure-t-elle.

Malgré les meilleures précautions, toutefois, les répercussions d'un gain important peuvent se faire sentir à retardement. Le poste de Nicole a été supprimé il y a quelques semaines. «Pour ne pas me donner une indemnité de départ - parce qu'ils sont au courant de ma situation financière -, ils m'ont offert un autre poste d'un niveau beaucoup plus bas que celui que j'avais. J'ai essayé pendant un mois et ça ne me convenait vraiment pas. J'ai dit ciao, bye, c'est fini.»

Elle en avait conservé les moyens.