Payer la maison et élever les enfants. Économiser pour la retraite. Plusieurs familles réussissent l'un ou l'autre, mais pas les deux simultanément. C'est comme jongler sur un fil de fer. Frustrant.

Elle est fâchée. «Je suis tannée de lire et d'entendre que les gens ne cotisent pas assez jeunes à leur REER et qu'il faut faire un budget», a écrit cette mère de famille, à la mi-mars. «Il ne faut pas oublier que plus de 80% des gens gagnent moins de 45 000$ par an. Alors qu'ils sont dans la vingtaine ou la trentaine, avec enfants et hypothèque à payer, comment faire pour écouter les gourous culpabilisants et avoir tout de même une qualité de vie? Même si j'ai travaillé dans le domaine financier, même si j'ai de bonnes connaissances comptables, je ne vois vraiment pas comment on peut y arriver. Quand y aura-t-il ne serait-ce qu'une seule chronique pour témoigner du sentiment de culpabilité et d'impuissance que le discours financier génère chez les gens ordinaires? Moi, en tout cas, je ne connais personne qui a pu à la fois épargner pour ses REER, élever ses enfants et payer sa maison avec un salaire normal.»

 

Fâchée, donc. À bon droit?

«Je comprends cette frustration, elle est partagée par beaucoup de gens», assure Thérèse Richer, coordonnatrice à l'ACEF de la Rive-Sud de Québec. «À moins d'avoir des revenus dans la tranche supérieure, il est extrêmement difficile de payer une maison et deux voitures, d'élever ses enfants et de planifier sa retraite en même temps. C'est beau de vouloir se diversifier, mais il y a une limite: le revenu disponible.»

Pour étayer son propos, notre lectrice a présenté le budget typique d'une famille moyenne de deux enfants. Avec deux revenus annuels de 40 000$ et un solde hypothécaire de 64 000$, le couple réussit de peine et de misère à épargner 900$.

Le comptable agréé et planificateur financier Éric Brassard ne se laisse pas émouvoir. «Ils surconsomment», assure-t-il. «Il y a des choses sur lesquelles on peut facilement économiser 3$ ou 4$ par jour. On n'est pas plus frustré le soir venu, et à la fin de l'année, on a déjà épargné 1000$.»

Bertrand Rainville, conseiller budgétaire au CIBES, est du même avis. «S'ils se fixaient comme objectif d'avoir de l'épargne, ils pourraient le faire, avec ce qu'on appelle des petites coupes savantes. On ne supprime pas tout d'un coup, mais de petites choses.»

Ce n'est pas avec des rognures budgétaires qu'on se taille une retraite cousue d'or, croyez-vous? C'est vrai. Pas comme celles qu'on voit dans certaines publicités clinquantes, à tout le moins. Le planificateur Pierre Larose a jeté un coup d'oeil au budget soumis par notre lectrice. Il se projette dans 10 ans, quand les deux conjoints auront 50 ans. L'hypothèque sera alors acquittée, ce qui libérera 6000$ par année, désormais consacrés à l'épargne. Il y ajoute le surplus actuel de 900$ par année.

Il soustrait 25% aux postes budgétaires où les enfants ne feront désormais plus sentir leur poids - nourriture (16 000$); vêtements (6000$); vacances, loisirs et activités sportives (3000$); soins médicaux et personnels (2500$). Voilà 6875$ de plus dirigés vers l'épargne. Tout cet argent pourrait être investi à 5% par année pendant les 15 années qui sépareront alors notre couple de la retraite. «Ces seuls trois éléments donneraient un total de 280 000$ à 65 ans», indique Pierre Larose. Il utiliserait ce capital pour acheter une rente viagère. Elle procurerait 1617$ par mois. Avec les rentes de la RRQ et les prestations de la PSV, le couple aurait un revenu de 54 000$.

Ce n'est pas le pactole. Mais c'est un rêve accessible.