Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Ian Scullion, de Gestion globale d'actifs CIBC.

Q: À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Depuis le début le creux boursier du début du mois, les nouvelles de la part des financières américaines sont un peu moins négatives. C'est ce qui a fait repartir les marchés.

 

Cette semaine, cette tendance s'est poursuivie du coté européen. Barclays et Fortis n'ont pas eu besoin de nouveaux capitaux gouvernementaux. Ce sont des signes qui confirment qu'on se dirige peut-être vers une stabilisation.

Un autre élément majeur a contribué à la hausse des marchés. Aux États-Unis, le Financial Accounting Standards Board va assouplir les règles comptables pour les sociétés financières.

Depuis 2007, les sociétés doivent évaluer la valeur marchande de leurs placements, à chaque trimestre, ce qui les a forcées à inscrire d'énormes pertes sur papier. Ces dévaluations ont réduit leurs capitaux, ce qui les a obligées à se refinancer pour pouvoir continuer à prêter. Maintenant, les sociétés pourront utiliser d'autres mesures d'évaluation, pour certains actifs.

Q: Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Notre philosophie repose sur la sélection de titres, plutôt que sur l'analyse d'indicateurs macroéconomiques. Chaque jour, nous rencontrons des dirigeants d'entreprises à travers le monde. C'est le cumul de ces informations qui dicte notre ligne de pensée.

En 2007, ce cumul nous disait qu'il y avait de la spéculation dans les financières, les pays émergents, les matières premières. Aujourd'hui, les présidents d'entreprises hésitent encore à s'avancer pour les deux prochains trimestres. Il y a peu d'éléments positifs qui nous disent que l'économie réelle ira mieux. Ce n'est pas encore rose.

Q: Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Il faut identifier des secteurs qui ont de bonnes perspectives de croissance à long terme. Puis, il faut trouver les joueurs dominants dans ces secteurs, ceux qui ont un avantage concurrentiel, un excellent réseau de distribution, une marque de commerce, des innovations.

Il y a des occasions d'achat comme je n'en ai jamais vu: des sociétés formidables qu'on peut acheter à moitié prix. Dans le secteur de la santé, je pense à la suisse Synthes ou Patterson Dental Supply. Dans les produits consommation, je pense à des noms très connus comme Heineken. Dans les gaz industriels, Air Liquide, Praxair, Air Products. Dans l'édition électronique, Reed Elsevier.

Q: Quel placement évitez-vous à tout prix?

Il faut porter attention à la situation financière des sociétés (bilan solide, fonds autogénérés excédentaires). Il ne faut surtout pas spéculer sur les titres qui ont baissé de 60% en pensant qu'ils remonteront. La crise peut encore durer: les sociétés faibles risquent de disparaître.

Attention aux financières américaines et européennes (certaines ne sont pas sorties du bois), au secteur des matériaux (la demande continue de ralentir) et aux économies émergentes (il y a deux ans c'étaient le Klondike, mais aujourd'hui les investissements sont à sec).

Q: Quel est l'élément que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les analystes financiers sont encore trop optimistes. Ils surestiment la capacité des entreprises à passer à travers la crise. Les bénéfices des entreprises risquent de décevoir.

À plus long terme, l'inconnue c'est l'inflation. Les gouvernements impriment de l'argent à n'en plus finir. On n'a pas idée à quel point cela peut avoir un impact négatif sur l'inflation à moyen terme. Est-ce qu'on met juste un diachylon sur le problème? Nous aurons peut-être un réveil brutal.