La famille des comptes enregistrés s'élargit. Après le REER, le REEE et le CELI, c'est au tour du REEI de voir le jour: un régime à l'abri de l'impôt conçu spécialement pour aider les handicapés à subvenir à leurs besoins financiers à long terme.

Ça y est: le régime enregistré d'épargne-invalidité est arrivé à la toute fin de l'an dernier, tel que promis dans le budget 2007 d'Ottawa, qui souhaitait voir le REEI sur les tablettes dès 2008.

Un peu à la manière du REER, ce nouveau compte permet d'épargner à l'abri de l'impôt. Il contribue ainsi à assurer la sécurité financière à long terme de quelque 250 000 Canadiens qui souffrent d'un handicap grave.

En plus, le fédéral donne un généreux coup de pouce à tous ceux qui cotisent à un Régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI). Les subventions et le bon remis par Ottawa peuvent totaliser 4500$ par an.

Or, jusqu'ici, le nouveau REEI n'a pas fait grand bruit. Seules quatre institutions financières du pays l'offrent.

Les fonds FMOQ (Fédération des médecins omnipraticiens du Québec) ont été les premiers au Canada à lancer un compte REEI, au début du mois de décembre dernier. Déjà, une centaine de comptes ont été ouverts.

La société, qui réserve habituellement ses fonds à faibles frais de gestion à la communauté médicale, a décidé d'offrir le REEI au grand public.

«Exceptionnellement, nous avons décidé d'ouvrir la porte à une clientèle plus vulnérable, pour des raisons humanitaires», explique Robert Comtois, responsable du développement pour l'ouest du Québec.

La Banque de Montréal a suivi en inaugurant un compte REEI en décembre. Puis, au début de l'année, la Banque Royale et la Banque CIBC ont emboîté le pas. Le fédéral assure qu'il «travaille avec d'autres institutions financières pour offrir le REEI».

Jusqu'à 4500$ d'aide par an

«Le régime a été créé pour aider les parents d'enfants handicapés, dont un des principaux soucis est: qu'est-ce qui va arriver quand je ne serai plus là?» explique M. Comtois.

La structure du REEI est largement inspirée de celle du Régime enregistré d'épargne-études (REEE). Ainsi, le compte qui permet de faire fructifier ses épargnes est à l'abri de l'impôt.

Les cotisations ne donnent pas droit à une déduction de revenus, comme c'est le cas pour le REER, mais elles ne sont pas imposables au retrait.

Le REEI peut être ouvert par le bénéficiaire lui-même, qui doit être résidant canadien et admissible au crédit d'impôt fédéral pour personnes handicapées, ou encore par les parents du bénéficiaire. Par la suite, n'importe qui peut y cotiser, jusqu'à concurrence de 200 000$ à vie par bénéficiaire, sans limite annuelle.

Ce n'est pas tout. Pour les familles qui gagnent moins de 76 000$ environ, le fédéral accorde une subvention qui équivaut au triple de la somme versée dans le REEI, pour la première tranche de 500$.

Sur la deuxième tranche de 1000$ cotisée, Ottawa ajoute le double de la somme versée. Ainsi, une cotisation totale de 1500$ donnera droit à une subvention annuelle maximale de 3500$, comme le montre notre tableau.

Pour les familles qui gagnent plus de 76 000$, Ottawa double la somme cotisée jusqu'à un maximum de 1000$, pour une cotisation annuelle de 1000$.

Mais il faut savoir que, dès que le bénéficiaire atteint la majorité, Ottawa considère son propre revenu (et celui de son conjoint, s'il y a lieu) comme son revenu familial, même si le bénéficiaire vit toujours avec ses parents, souligne M. Comtois.

Peu importe le revenu familial, la subvention est plafonnée à 70 000$ à vie par bénéficiaire.

En plus de la subvention, Ottawa verse un bon annuel de 1000$ aux familles qui gagnent moins de 21 000$ environ. Nul besoin de cotiser. La seule condition: ouvrir un REEI.

Pour les familles qui gagnent plus de 21 000$, le bon de 1000$ diminue graduellement, jusqu'à disparaître lorsque le revenu dépasse le seuil des 38 000$.

Au total, les bénéficiaires du REEI pourront donc recevoir jusqu'à 4500$ d'aide gouvernementale par année jusqu'à l'âge de 49 ans - âge maximal pour recevoir la subvention et le bon. On peut toutefois cotiser au REEI jusqu'à la 59e année du bénéficiaire.

Optimiser le REEI

Pour des parents plus aisés qui ont déjà épargné des sommes importantes afin d'assurer l'avenir de leur enfant, il peut être tentant de transférer sur-le-champ une grosse somme dans le REEI, à l'abri de l'impôt.

«Techniquement, on peut mettre 200 000$ d'un seul coup. Mais l'idée, c'est aller chercher le maximum de subvention», dit Daniel Gladu, planificateur financier chez BMO Banque de Montréal.

L'important est d'évaluer le montant maximum qu'on pourra obtenir en subvention, au fil des ans, et de conserver assez d'espace de cotisation pour y avoir droit, ajoute M. Comtois.

Prenons l'exemple d'un enfant de 8 ans, lourdement handicapé, dont les parents gagnent plus de 76 000$. En cotisant 1000$ par an pendant 10 ans, ils toucheront la subvention maximale, soit 10 000$.

À sa majorité, l'enfant n'aura pas de revenus. Il recevra donc une subvention de 3500$ si ses parents versent 1500$ par an dans son REEI pendant 17 ans, après quoi ils auront atteint le plafond de 70 000$ à vie.

Ainsi, les parents doivent se ménager un espace de cotisation de 35 500$ pour les 27 prochaines années, ce qui leur laisse la latitude d'investir 164 500$ dès maintenant.

Dans d'autres situations, le REEI peut aussi être combiné au REER, au REEE ou encore au nouveau Compte d'épargne libre d'impôt (CELI).

«Si l'enfant est handicapé à vie, mais qu'on croit qu'il sera en mesure de faire des études, les parents peuvent aussi cotiser au REEE», souligne M. Gladu. Le REEE donne droit à des subventions combinées fédéral-provincial de 30%.

Si le bénéficiaire est majeur, on peut verser jusqu'à 5000$ par année, à l'abri de l'impôt, dans un CELI à son nom.

Et si son handicap lui permet de travailler, le bénéficiaire peut contribuer à son REER et obtenir une déduction de revenu.

REEI, REER, CELI... Le choix devient alors une question de priorités. «Il faut se demander quel est le but de l'épargne», dit M. Gladu.

Inquiétudes à la sortie

Une des questions qui reviennent le plus souvent chez les parents qui ouvrent un REEI porte sur l'éventuel décès du bénéficiaire, indique M. Gladu.

Si le bénéficiaire meurt avant l'âge de 60 ans, ou s'il n'est plus considéré comme invalide, les subventions et les bons versés au cours des 10 années précédentes doivent être retournés à Ottawa, ainsi que les revenus qu'ils ont générés.

Le bénéficiaire, ou sa succession, récupère les cotisations, mais il doit ajouter à sa déclaration de revenu de l'année «le montant reçu du REEI, net des cotisations et des montants remboursés», indique la société d'experts-conseils Raymond Chabot Grant Thornton. Autrement dit, les revenus réalisés et l'aide financière datant de plus de 10 ans seront imposables.

Autre question souvent posée: le bénéficiaire perd-il son aide sociale à cause du REEI? Quand le REEI est en mode accumulation, la réponse est non.

Mais à partir de 60 ans, c'est une autre histoire: le bénéficiaire doit commencer à toucher des paiements de son REEI, qui risquent de réduire dans une certaine mesure son aide sociale.