Le pendant français d'Hydro-Québec, EDF (Électricité de France), emploie des designers industriels. C'est ce qu'on a appris en janvier quand l'un d'eux a participé à un colloque à Montréal. Cette petite équipe travaille notamment à la conception d'objets qui incitent à la «sobriété énergétique».

Rien de tel chez nous. «Ce n'est pas dans le mandat d'Hydro-Québec de concevoir des appareils pour la clientèle résidentielle ou pour la consommation», explique le porte-parole Jean-Oliver Batty.

Mais il donne un exemple récent où des designers ont collaboré avec l'entreprise.

Depuis quelques années, des boîtiers de commande d'automatisation ont apparu sur les poteaux de votre voisinage. Ils permettent, à distance, de rétablir plus rapidement le courant en cas de panne ou d'interruption de service.

Utile. Mais laid. C'est comme si on avait accroché à hauteur d'homme une armoire en métal sur laquelle un ouvrier aurait déposé son coffre à outils.

Ou, pour utiliser une autre image, l'ensemble a la silhouette d'un spaghetti qui aurait avalé un biscuit Goglu.

Bref, ça vous dépare une propriété.

Consciente du problème - et certainement instruite en ce sens par ses clients -, Hydro-Québec Distribution, en 2007, a confié à la Chaire en paysage et environnement de l'Université de Montréal le mandat de concevoir un boîtier moins disgracieux.

«L'idée était de retravailler le volume et de voir comment intégrer ses fonctions pour que cet objet s'inscrive mieux dans le paysage, soit moins imposant et moins dangereux.», explique Tatjiana Leblanc, professeure adjointe à l'École de design industriel et chercheuse associée à la Chaire.

L'équipe a fait une proposition sobre. Le nouveau boîtier aux arêtes arrondies s'étire en hauteur, jusqu'à ne plus occuper que la largeur d'un poteau standard. «Même s'il est plus encombrant que les autres en hauteur, cette verticalité est en lien avec le poteau», souligne Mme Leblanc.

On réduit ainsi les risques qu'un honnête propriétaire s'y fracasse une épaule en tondant son gazon. Les poignées et les cadenas apparents ont disparu. En attirant moins l'attention sur ces éléments, on invite moins au vandalisme.

Pas question de faire dans la dentelle ou l'expressionnisme. «Il ne fallait pas mettre en avant son existence, le décorer ou le rendre précieux, note Tatjiana Leblanc. C'est un équipement et, en tant que tel, il faut qu'il garde son sérieux et qu'on montre du respect pour son utilité.»

Elle exprime cette modestie formelle en une jolie formule: «C'est un design silencieux.»

L'objet est d'une teinte de bronze qui tend, selon l'éclairage, vers le gris, le vert ou le chocolat. «Cette couleur a été choisie parce qu'elle joue bien, dans sa neutralité, avec les couleurs des poteaux existants, observe-t-elle. De loin, le boîtier se fond complètement avec le poteau.»

Les deux arêtes arrière se prolongent en facettes taillées en biseau, qui prennent appui contre le poteau sur toute la hauteur du boîtier. Le boîtier se joint ainsi au poteau, s'y agrippe, l'embrasse plutôt que d'y être plaqué.

Les concepteurs se sont assurés auprès des fournisseurs que les composantes internes pourraient être réagencées sans gonfler les coûts de fabrication.

Après une série de tests à l'Institut de recherche d'Hydro-Québec (IREQ), le premier boîtier a été installé cette semaine à Montréal.

Il faudrait maintenant s'intéresser au compteur, ce furoncle mural.