Dans un an, le monde entier aura les yeux tournés vers Vancouver, qui accueillera les Jeux olympiques d'hiver.

La communauté financière, elle, est déjà en mode olympique. En décembre dernier, le Dow Jones a mis à jour son indice boursier olympique en prévision des Jeux de Vancouver.

Créé en décembre 2006 en prévision des Jeux de Pékin, l'indice boursier olympique Dow Jones est le véhicule d'investissement fait sur mesure pour ceux qui veulent bénéficier de la manne olympique. Il regroupe les sociétés inscrites en Bourse associées à l'organisation des Jeux. «Notre raisonnement, c'est que les entreprises qui ont des liens avec les Jeux olympiques tendent à faire de meilleures affaires durant leur cycle olympique, dit John Prestbo, directeur exécutif des indices boursiers Dow Jones. Les profits de ces entreprises ont tendance à être plus élevés. Leur rendement boursier aussi.»

L'indice est composé essentiellement de trois sortes de titres : les multinationales qui commanditent le mouvement olympique d'année en année (ex : Coca-Cola, McDonald's, VISA, Samsung), les commanditaires canadiens des Jeux de Vancouver (ex : RONA, la Banque Royale, GM, Bombardier, le Canadien Pacifique) et les fournisseurs officiels de Vancouver 2010 (ex : 3 M, George Weston, Saputo, TransCanada Corp). L'indice regroupe actuellement 32 titres provenant de sept pays. Pays hôte des Jeux de 2010, le Canada compte le plus de titres au sein de l'indice (15), devant les États-Unis (12), le Japon (2), la Corée du Sud (1), la Suisse (1), la France (1) et le Royaume-Uni (1).

Chaque titre ne peut toutefois constituer plus de 10% de la valeur de l'indice. C'est ainsi que les grandes sociétés américaines Coca-Cola et McDonald's, qui occupent les deux premiers rangs de l'indice, voient leur participation maximisée à 10%. «C'est notamment pour augmenter le rendement de l'indice, dit John Prestbo. L'impact des Jeux olympiques sur l'ensemble de leurs activités est moins important en raison de leur statut de multinationale. Les entreprises de construction canadiennes, par exemple, seront davantage touchées par les Jeux de Vancouver qu'une entreprise comme McDonald's.»

Rendement supérieur à la moyenne

Depuis sa création en décembre 2006, l'indice olympique Dow Jones a perdu 30% de sa valeur. Malgré tout, il a battu presque tous les indices de référence nord-américains et mondiaux. Durant la même période, l'indice américain S & P 500 a perdu 53 %, la Bourse de Toronto 41 % et l'indice mondial Morgan Stanley 53%. Seul l'indice de la Bourse de Shanghai a fait mieux que l'indice olympique Dow Jones, perdant 17% de sa valeur depuis décembre 2006.

«L'indice olympique n'est pas immunisé contre les tendances générales du marché, dit John Prestbo. Quand ça va mal en Bourse, le facteur olympique n'est pas nécessairement une protection (contre des pertes).»

Les investisseurs qui ont misé sur l'indice olympique Dow Jones à un an des Jeux de Pékin ont toutefois gagné leur pari. Entre août 2007 et août 2008, l'indice olympique a gagné 5,4% alors que la Bourse de Shanghai encaissait des pertes de 38 %. Retirer ses billets à la veille des Jeux permet-il de maximiser son investissement dans l'indice olympique ? Après une seule olympiade, il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives, mais l'inventeur de l'indice est optimiste. «Comme l'indice a obtenu d'excellents résultats avant les Jeux, c'est toutefois une hypothèse valide», dit John Prestbo.

Points d'interrogation

Même si l'indice olympique Dow Jones a battu la plupart des indices de référence, l'analyste boursier Jean-René Ouellet met les investisseurs en garde contre certaines de ses particularités. «La dynamique de l'indice olympique Dow Jones est intéressante, mais l'indice est très mal diversifié», dit l'analyste du groupe conseil en portefeuilles de Valeurs mobilières Desjardins.

Jean-René Ouellet s'inquiète de la surpondération de l'indice olympique Dow Jones dans plusieurs secteurs, notamment la consommation discrétionnaire (21% contre 5% au TSX et 8% au S & P 500), la consommation durable (19% contre 4% au TSX et 14% au S & P 500) et le secteur industriel (23% contre 6% au TSX et 10 % au S & P 500). L'indice olympique ne contient aussi aucun titre dans le secteur de la santé et des télécommunications. « En temps de récession, les gens réduisent considérablement leur consommation discrétionnaire, un secteur où l'indice olympique est très surpondéré, dit-il. Les gens changent leur comportement durant une récession. Ils ne commenceront pas à rénover leur maison parce que Rona remet des médailles olympiques. »

L'analyste boursier note aussi quelques titres en difficulté au sein de l'indice olympique : GM, Samsung, CanWest Global Communications et Teck Cominco, pour ne nommer que ceux-là. Bref, s'il trouve l'exercice olympique de Dow Jones intéressant, Jean-René Ouellet demeure sceptique. «Intuitivement, ça semble bon, mais il y a quelques points d'interrogation quand on gratte un peu, dit-il. Et il ne faut pas oublier que créer des indices, c'est une industrie pour

Dow Jones.»

Le créateur de l'indice olympique Dow Jones, John Prestbo, incite aussi à la prudence les investisseurs canadiens atteints de fièvre olympique. Aussi amusant soit-il, son indice n'a pas été conçu afin d'y faire fructifier tout son portefeuille boursier. «Ça demeure un véhicule d'investissement secondaire, dit-il. C'est une bonne façon d'avoir un peu plaisir en investissant tout en bénéficiant d'un phénomène économique réel, dit-il. On peut investir dans l'indice olympique pour essayer de majorer ses rendements, mais on ne doit pas y investir tout

son argent.»

 

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Pas disponible au Canada

Les Canadiens s'apprêtent à accueillir les prochains Jeux olympiques, mais l'indice olympique Dow Jones n'est pas disponible au pays, faute d'intérêt de la part des institutions financières.

Pour l'instant, l'indice olympique n'est offert que dans certaines institutions financières de Londres, la ville hôtesse des Jeux d'été en 2012. «Nous discutons actuellement avec des institutions financières canadiennes pour rendre l'indice olympique disponible au Canada», dit John Prestbo, directeur exécutif des indices boursiers Dow Jones.

 

Le Mouvement Desjardins, qui ne connaissait pas l'existence de l'indice olympique Dow Jones avant le coup de fil de La Presse Affaires, n'a pas l'intention de l'offrir à ses clients d'ici le début des Jeux olympiques de Vancouver le 12 février 2010. «Ce n'est pas sur notre radar», dit le porte-parole André Chapleau.

Même son de cloche du côté de la Banque Royale, pourtant commanditaire de Vancouver 2010. «Ça ne fait pas partie de nos projets en 2009», précise le porte-parole Raymond Chouinard.

John Prestbo suggère tout de même aux investisseurs canadiens de jeter un coup d'oeil à son indice olympique. «L'indice donne une idée des entreprises qui pourraient mieux faire cette année en raison des Jeux olympiques de Vancouver en 2010, dit-il. Les investisseurs peuvent sélectionner quelques titres sans nécessairement acheter l'indice au complet, ce qui est impossible de toute façon à l'heure actuelle au Canada.»