La planification de votre retraite ressemble à un exercice de tir au canon: il suffit que le canonnier-planificateur modifie l'angle du tube d'une fraction de degré pour que le coup soit trop court ou trop long. Mais une fois parvenu à la retraite, c'est vous qui vous débrouillerez avec les dommages collatéraux.

Adieu veau, vache, cochon, couvée. Et appartement, peut-être.

Contrairement aux rêves de la laitière de la fable, le plan de retraite de cette femme de 72 ans était pourtant fondé sur une planification financière. Mais la débâcle boursière a emporté ses projets aussi radicalement que le lait de Perrette. Comme beaucoup d'autres, elle devra resserrer son budget et sans doute déménager dans un appartement plus petit.

 

Ses projections de revenus et le loyer qu'elle se permettait en conséquence dépendaient en bonne partie du rendement de ses épargnes. La teneur de son portefeuille, qui détermine ce rendement, n'a donc pas été corrigée pour en réduire le risque à mesure qu'elle avançait en âge.

De nombreux retraités vivent ces jours-ci avec les conséquences d'une planification optimiste conjuguée à un marché boursier peu coopératif.

À quoi devez-vous vous attendre de votre planificateur?

L'Institut québécois de planification financière a publié, le 12 février dernier, ses Normes d'hypothèses de projection pour 2009, une première. Élaborées par Nathalie Bachand, Martin Dupras et Daniel Laverdière, tous trois planificateurs financiers et actuaires, elles proposent aux planificateurs des balises précises pour leurs projections de retraite. «C'est l'un des différents outils que nous mettons au point pour aider nos planificateurs financiers, toujours dans le but de mieux protéger le public. On leur donne des outils pour être plus efficaces», explique la directrice générale et secrétaire de l'IQPF, Jocelyne Houle-LeSarge.

Ils en ont besoin. Un petit écart dans les paramètres de départ est multiplié plusieurs fois à l'arrivée. C'est l'équivalent d'un problème de balistique: la hausse d'un canon est réduite d'un degré et l'obus tombe 3 km trop court. «Il y avait peut-être beaucoup de variabilité dans l'utilisation des hypothèses dans le marché», constate Nathalie Bachand, qui ajoute que les choses se sont améliorées dans les dernières années.

Le document de l'IQPF propose des barèmes pour le taux d'inflation, le taux d'intérêt à l'emprunt, l'espérance de vie, de même que pour les rendements des titres à court terme, des titres de revenus fixes et des actions canadiennes. Des notions abstraites? Elles apparaissent très concrètes, au contraire, quand un revenu de retraite doit être subitement réduit de plusieurs milliers de dollars pour étirer les épargnes jusqu'au décès. Exemple de variable: si on suppose que l'inflation se maintiendra à 2% au cours des 20 prochaines années, votre pécule de 100 000$ aura alors un pouvoir d'achat de 67 000$. Mais si l'inflation tient en réalité une moyenne de 3%, vos 100 000$ ne vaudront plus que 55 000$.

Bien sûr, nous parlons ici de prospectives et il n'y a aucune garantie que les hypothèses se vérifieront. Toutefois, comme l'indique l'introduction des Normes d'hypothèses de projection, le planificateur financier n'a pas d'obligation de résultats «mais plutôt une obligation de méthode». Ces normes vous offrent une base de comparaison pour vérifier le réalisme des hypothèses de travail de votre planificateur.

Mais vous avez une responsabilité, vous aussi. Quand le ciel boursier semble clair, plusieurs épargnants tournent le dos à un planificateur prudent qui ne partage pas l'exubérance ambiante. Pour reprendre l'image de Daniel Laverdière, «on cherche un médecin qui va nous dire qu'on n'est pas malade».