Une lectrice s'inquiète. «Je lis qu'il y aurait des crédits d'impôt accordés pour des rénovations», écrit-elle au lendemain de la présentation du budget fédéral. «Au Québec aussi, il en a été question, mais après avoir été enthousiaste, j'ai dégringolé, car les maisons en copropriété ne sont pas concernées dans les crédits lorsqu'on parle de parties communes. Est-ce qu'il en est ainsi pour le crédit au gouvernement fédéral?»

C'est un bon exemple des subtiles différences entre les deux programmes. En effet, au Québec, les seules dépenses admissibles pour une copropriété sont celles relatives aux parties privatives, c'est-à-dire, pour l'essentiel, à l'appartement lui-même. Par contre, le budget fédéral ouvre la porte aux travaux faits aux parties communes, pour la part des dépenses qui revient au copropriétaire.

 

Au fédéral, on veut relancer la consommation, alors que le Québec vise d'abord à soutenir les emplois dans la construction. La différence est très concrète: si vous rénovez vous-même la salle de bains du sous-sol, vous pourrez réclalmer le coût des matériaux à Ottawa, mais pas à Québec.

«Au Québec, on exige que les travaux soient confiés à un entrepreneur qualifié, c'est-à-dire qui détient une licence de la Régie du bâtiment du Québec», explique la fiscaliste et planificatrice financière Natalie Hotte.

Elle pose le problème: j'ai confiance en mon petit ouvrier, dûment enregistré pour la TPS et la TVQ, mais qui ne détient pas de licence de la RBQ. Les frais de main-d'oeuvre et les dépenses en matériaux seront reconnus pour le crédit à Ottawa, mais non au Québec. Est-ce que ça vaut la peine de chercher un entrepreneur qui a une licence pour profiter du crédit provincial? À chacun de voir, mais nous avons fait l'exercice pour des travaux de rénovation qui totalisent 12 500$, soit 7500$ en main-d'oeuvre et 5000$ en matériaux. Une fois les crédits soustraits, le contribuable débourserait 10 150$ avec un entrepreneur titulaire d'une licence de la RBQ, 11 150$ avec un ouvrier sans licence mais enregistré pour les deux taxes, et 11 645$ avec un entrepreneur au noir qui ne demanderait pas le paiement des taxes sur la main-d'oeuvre.

CRÉDITS À LA RÉNOVATION

Questions et réponses (quand il y en a...)

Le crédit d'impôt est-il remboursable?

Il est remboursable à Québec mais non à Ottawa. Au Québec, si l'impôt à payer est inférieur au crédit, l'excédent nous est remboursé. «Mais au fédéral, il faut avoir de l'impôt à payer pour pouvoir en profiter», prévient la fiscaliste Natalie Hotte.

Quand les travaux doivent-ils être réalisés?

Autre problème, les deux programmes n'ont pas les mêmes limites de temps.

Au Québec, pour que les travaux soient reconnus, l'entente doit être conclue en 2009, et les dépenses doivent avoir été faites avant le 30 juin 2010.

Au fédéral, les biens doivent être acquis et les travaux réalisés après le 27 janvier 2009 et avant le 1er février 2010. L'entente ne doit pas avoir été conclue avant le 28 janvier 2009.

«Pour les premiers 10 000$ de travaux, assurez-vous qu'ils soient exécutés avant le 1er février 2010», recommande Stéphane Leblanc.

Vous êtes tenté de déchirer le contrat signé fin 2008 pour le renouveler, avec le même entrepreneur, en février 2009? Mauvaise idée. «C'est la première chose qui sera vérifiée», prévient Natalie Hotte.

La TPS et la TVQ sont-elles incluses dans les dépenses admissibles?

Au Québec, la TPS et la TVQ sont clairement incluses dans les dépenses admissibles. Au fédéral, aucune mention. Et aucune réponse au moment de mettre sous presse.

Les travaux d'entretien sont-ils admissibles?

Les deux programmes ne reconnaissent que les travaux de rénovation et de modification durables. «Ça exclut dans les deux cas les travaux courants d'entretien ou de réparation», précise Natalie Hotte. Le colmatage d'une fuite ou la réparation d'une porte ne sont pas des travaux reconnus.

Mais, comme toujours, il y a des subtilités. Au Québec, l'application de peinture sur les murs, uniquement pour en rafraîchir l'apparence, est assimilée aux travaux d'entretien, donc non admissible. Au fédéral, la peinture de l'intérieur ou de l'extérieur d'une maison est citée parmi les exemples de travaux reconnus. Mais n'est-ce pas plutôt de l'entretien? s'interroge Natalie Hotte. Débat à Ottawa...

Les travaux sur le terrain sont-ils admis?

La question est claire à Québec: les travaux d'aménagement paysager sont exclus, à moins qu'ils n'aient été rendus nécessaires à la suite d'autres travaux reconnus. Au fédéral, par contre, les travaux de rénovation ou de modification durables réalisés sur le terrain sont admissibles - muret de soutènement, clôture, nouvelle pelouse, par exemple.

Qu'en est-il des piscines? Elles sont expressément exclues par le Québec mais ne sont pas mentionnées du côté fédéral. Nous avons posé la question, mais personne ne s'est encore compromis avec une réponse.

Quels sont les critères d'admissibilité de l'entrepreneur?

«Tant au fédéral qu'au Québec, c'est clair: l'entrepreneur doit avoir ses numéros de TPS et de TVQ», déclare Natalie Hotte. C'est ensuite que ça se complique.

Au ministère du Revenu du Québec, le porte-parole Mathieu St-Pierre énonce trois critères: «L'entrepreneur doit avoir un établissement au Québec; il ne doit pas être le propriétaire ou le conjoint du propriétaire de l'habitation; il doit détenir les licences appropriées délivrées par la Régie du bâtiment.»

Voilà qui ouvre une porte sur un autre capharnaüm: comment savoir si une licence est requise pour tels ou tels travaux, et laquelle? «Si vous engagez quelqu'un pour faire des travaux, ça prend une licence, résume Marjolaine Veillette, porte-parole de la RBQ. Pour déterminer quelle licence est requise selon les travaux, visitez le site internet de la RBQ.» www.rbq.gouv.qc.ca ou 1-877-909-3794.

Je suis propriétaire d'un duplex: des travaux à l'appartement loué sont-ils admissibles?

Les rénovations aux parties occupées par le propriétaire sont admises, mais non celles au logement locatif. Ici encore, différence entre Québec et Ottawa. «La rénovation des aires communes, par exemple le toit, je pourrais en demander le crédit pour la proportion relative à ma partie personnelle au fédéral, décrit Natalie Hotte. Pas à Québec.»

 

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Rénover maintenant ou plus tard?

J'ai prévu faire refaire ma terrasse cette année, pour 5000$. Je songe à rénover ma salle de bains l'an prochain, au coût de 10 000$. Est-il profitable d'avancer ces travaux à cette année? 

Calculs. On suppose que les travaux auraient été réalisés en large partie grâce aux remboursements d'impôts, donc sans emprunt. Si les travaux étaient réalisés en deux ans comme prévu, la facture finale s'élèverait à 14 499$. Si on les regroupe en 2009, on la ramène à 12 973$, si on inclut des frais d'intérêt de 600$ pour un emprunt.

Je me fais construire une maison neuve ce printemps. Devrais-je retarder certains travaux d'aménagement, et les faire plus tard dans l'année sous forme de rénovations?

À Québec, la maison qui fait l'objet de ces travaux doit avoir été construite avant 2009. Aucune précision à ce propos dans le budget fédéral. La question a suscité des discussions qui ne sont pas encore terminées au ministère des Finances et à l'Agence du revenu du Canada.

Nous avons un chalet. Ma femme peut-elle faire refaire la toiture et demander le crédit sur sa déclaration, alors que je réclame le crédit pour la rénovation de la salle de bains de notre maison en ville?

Aucune issue de ce côté. Au Québec, le crédit ne s'applique que pour le lieu principal de résidence. Rien à faire non plus au fédéral. «C'est un crédit pour la famille, indique Stéphane Leblanc. Je ne peux pas dire: mon conjoint va rénover le chalet, je vais rénover la maison et on va multiplier le crédit.»