Frappée de plein fouet par la pandémie, la plus grande société foncière québécoise se prépare à tous les scénarios, y compris celui d’une vente pure et simple de l’entreprise.

Le conseil des fiduciaires du fonds de placement immobilier (FPI) Cominar lance « un processus d’examen stratégique structuré afin d’identifier, d’examiner et d’évaluer une vaste gamme d’options stratégiques potentielles dont il pourrait se prévaloir dans le but de continuer à accroître la valeur pour les porteurs de parts », a annoncé la société mardi en fin de journée.

Ce genre de charabia prépare généralement la vente de l’entreprise à un tiers ou encore la disposition de portions significatives de l’actif de la société. Le Fonds n’avait rien à ajouter au-delà du communiqué.

« Le FPI n’a pas établi d’échéancier définitif pour l’achèvement du processus d’examen stratégique, et aucune décision n’a été prise à ce jour. Rien n’assure que ce processus d’examen stratégique mènera à une transaction ni, si une transaction est entreprise, les modalités ou l’échéancier de celle-ci. Le FPI n’a actuellement pas l’intention de communiquer de faits nouveaux supplémentaires relativement à ce processus. »

À risque

Un autre siège social québécois est donc à risque. La semaine dernière, Cogeco a fait l’objet d’une offre d’achat hostile par Altice USA. La famille Audet, actionnaire de contrôle par l’entremise d’actions multivotantes, a refusé l’offre de 10 milliards.

Il n’y a pas d’actionnaires de contrôle ni d’actions à droit de vote multiple chez Cominar, fondée par feu Jules Dallaire. Le premier actionnaire est FrontFour Capital, un actionnaire militant, avec 8 % des actions, selon Refinitiv. La firme américaine est un gestionnaire d’actif non traditionnel.

La société du Connecticut a fait sentir sa présence en décembre 2018 quand elle avait forcé l’entrée de son fondateur Zach George au conseil des fiduciaires, où il siège toujours. Dans la foulée, le président du conseil Alban D’Amours avait décidé de ne pas se représenter.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Pas plus tard qu’en mai dernier, FrontFour a racheté pour 2,3 millions de dollars de parts de Cominar sur faiblesse des cours. La part de Cominar se vend à 7,20 $. Il faut reculer plus de 20 ans pour voir la part de Cominar se vendre à vil prix.

La Caisse de dépôt détient 8,5 millions de parts, soit un peu moins de 5 % des parts en circulation. La famille Dallaire en détenait 9 millions à la fin de 2017. On ignore combien il lui reste de parts aujourd’hui. Refinitiv ne la recense pas dans les principaux actionnaires.

Objet de fierté

Propriétaire de Place Alexis Nihon, de la gare Centrale et du Mail Champlain, Cominar est l’un des plus importants fonds de placement immobilier diversifiés du Canada. Elle détient 315 immeubles de bureaux, des centres commerciaux et des entrepôts d’une superficie de 35,9 millions de pieds carrés et d’une valeur de 6,6 milliards. Les immeubles sont situés dans les régions de Montréal, de Québec et d’Ottawa.

Longtemps objet de fierté pour les Québécois qui travaillent en immobilier, Cominar se porte mal depuis des années. Le prix de la part a atteint son sommet il y a huit ans déjà. La fin du règne de Michel Dallaire, en poste de 2005 jusqu’à ce qu’on lui montre la porte en 2017, a été marquée par une certaine complaisance. En 2014, on écrivait que le conseil des fiduciaires comptait deux membres qui avaient plus de 75 ans, dont le président qui avait alors 89 ans. Quatre de ses neuf membres siégeaient au conseil de Cominar depuis 16 ans.

Cominar s’est trouvée endettée au moment où les fermetures des magasins Target et Sears sont survenues. Ses revenus nets d’exploitation ont glissé pendant une longue succession de trimestres.

Sylvain Cossette, qui a remplacé Michel Dallaire au début de 2018, a mis en place un plan de restructuration qui avait commencé à montrer des signes encourageants quand la pandémie est venue terrasser le convalescent.

Courant après ses loyers et devant absorber une baisse de la juste valeur de son portefeuille de 331 millions au deuxième trimestre, Cominar a dû se résoudre à réduire sa distribution en août. C’est la troisième fois depuis août 2014 que le FPI réduit la rémunération versée aux détenteurs de parts. En août 2014, elle versait 12,25 cents par part chaque mois. En septembre, elle va leur verser 3 cents.

Le processus de révision stratégique sera supervisé par des administrateurs indépendants, soit Luc Bachand, Paul Campbell, Mitchell Cohen, Zachary George et Karen Laflamme. Financière Banque Nationale et BMO agissent à titre de conseillers financiers.