Le constructeur automobile Ford a averti jeudi que le «Brexit» et les craintes sur la croissance américaine et chinoise menaçaient ses bénéfices et ventes de voitures pour le reste de l'année, ce qui a fait plonger son action en Bourse.

«Nous prévoyons toujours de dégager de solides résultats annuels (...) Cependant l'entreprise perçoit des risques rendant difficile la réalisation de ses objectifs», a prévenu la marque à l'Ovale bleu, brossant ensuite un tableau gris du marché automobile américain dont la renaissance avait poussé les ventes à des niveaux records lors des deux dernières années.

Ford estime que les ventes des voitures ont atteint un plateau d'où le fait qu'il juge que 2016 ne sera pas une année record, comme ce fut le cas pour 2015, où 17,5 millions de véhicules avaient été écoulés aux États-Unis.

«Nous ne voyons pas de croissance. En tout cas, pas à court terme», a répété Bob Shanks, le directeur financier, qui va jusqu'à prédire une contraction en 2017 du marché américain, le deuxième mondial après la Chine.

«Ford renforce les craintes que le marché nord-américain a atteint un plateau et que les autres marchés présentent beaucoup de risques», commente Deutsche Bank.

À Wall Street, l'action Ford dévissait de 8,89% à 12,61 dollars vers 10h10, entraînant dans son sillage l'ensemble du secteur. GM perdait 3,54% à 30,89 dollars et Fiat Chrysler 4,85% à 6,38 dollars.

Un Brexit coûteux

Le sombre diagnostic de Ford tranche avec l'optimisme affiché une semaine plus tôt par General Motors, le premier constructeur automobile américain, qui est même allé jusqu'à relever ses prévisions annuelles.

Pour GM, la solidité de l'économie américaine et surtout du marché de l'emploi, des taux d'intérêt bas et de bas prix de l'essence à la pompe constituent le cocktail qui va continuer à encourager les ménages américains soit à effecteur leur premier achat automobile, soit à renouveler leur voiture ou à monter en gamme.

Le vent semble avoir tourné pour Ford: son bénéfice opérationnel a diminué de 135 millions de dollars à 2,7 milliards de dollars en Amérique du Nord au deuxième trimestre, pour une marge passée de 12,2% un an plus tôt à 11,3%.

Les choses ne devraient pas s'arranger puisque le groupe de Dearborn (Michigan, nord) a réduit sa production et devrait voir ses dépenses marketing augmenter, car il doit lancer la commercialisation d'ici la fin de l'année du «Super Duty», le plus gros pickup disponible aux États-Unis.

Le redressement en cours en Europe est par ailleurs menacé par la sortie prochaine du Royaume-Uni de l'Union européenne (Brexit), votée par référendum le 23 juin.

Le Brexit devrait amputer les résultats de Ford de 200 millions de dollars cette année et de 400 à 500 millions en 2017, a évalué Bob Shanks. GM a estimé à 400 millions de dollars le coût du Brexit en 2016.

Ford prévoit de gagner en 2016 un peu plus des 259 millions de dollars qu'il avait engrangés en Europe en 2015. Au deuxième trimestre, le bénéfice opérationnel européen était de 467 millions de dollars, presque triplé sur un an.

En Asie-Pacifique, la bonne performance de la marque haut de gamme Lincoln en Chine n'a pas empêché Ford d'essuyer une perte opérationnelle de 8 millions de dollars, une première depuis trois ans.

«Des incertitudes économiques élevées refrènent les investissements», a souligné le groupe automobile américain, dont la part de marché mondial a diminué à 7,5% à fin juin pour une marge opérationnelle désormais à 7,7% (-0,7%).

À court terme, Ford veut réduire ses coûts de l'ordre de 1,6 milliard de dollars au second semestre pour améliorer sa rentabilité.

Lors des trois derniers mois, le bénéfice net a reculé de 8,8% sur un an à 1,97 milliard de dollars entre avril et juin pour un chiffre d'affaires de 39,49 milliards de dollars (+6% sur un an).