L'avionneur Boeing a livré mercredi des prévisions 2016 décevantes, marquées par la première baisse des livraisons d'avions civils depuis 2010, des annonces froidement accueillies à Wall Street malgré de solides bénéfices 2015.

Le groupe vise un bénéfice annuel par action ajusté, référence en Amérique du Nord, compris entre 8,15 et 8,35 dollars contre 9,43 dollars attendus en moyenne par les analystes.

Le chiffre d'affaires devrait être compris entre 93 et 95 milliards de dollars contre 97,14 milliards anticipés par les marchés. Cette prévision prudente «reflète les livraisons des avions commerciaux», a expliqué Boeing dont la division civile (BCA) est la principale locomotive des ventes et des bénéfices au moment où le militaire souffre des baisses de budgets de défense à travers le globe et de l'absence de gros contrats.

Boeing prévoit de ne livrer qu'entre 740 et 745 appareils en 2016, soit jusqu'à 22 avions en moins comparé à 2015 (762), qui fut une année record. Hormis un coup d'arrêt en 2010, le constructeur aéronautique avait connu jusqu'ici une croissance continue de ses livraisons.

Cette baisse de cadence est due à différents facteurs dont la division par deux de la production du 747-8 et la diminution à sept appareils par mois du B777, contre 8,33 précédemment. Les experts s'attendaient à une baisse de la production du B777 en raison de la transition annoncée avec son successeur, le B777X, prévu à l'horizon 2020.

Le grand rival européen Airbus prévoit, lui, de livrer plus de 650 appareils en 2016, soit au moins 15 de plus comparé à 2015.

À Wall Street, le titre Boeing dévissait de 8,56% à 117,05 dollars vers 14h30. Standard & Poor's, qui a maintenu sa note inchangée, estime que certes le recul des livraisons est synonyme de baisse des bénéfices en 2016, mais la trésorerie, elle, devrait être meilleure qu'en 2015.

Militaire en panne 

Les livraisons sont le baromètre le plus scruté par les experts car une compagnie aérienne paie traditionnellement au moment où elle prend possession de l'appareil.

Elles ont pris beaucoup d'importance ces derniers mois parce que Boeing comme Airbus disposent de carnets de commandes fournis, suscitant des interrogations sur leurs capacités à respecter leur calendrier respectif.

Au 31 décembre, le carnet de commandes (5795 appareils pour une valeur de 489 milliards de dollars) - les avions que Boeing doit livrer - représentait plus de sept années et demi de production aux cadences actuelles.

Pour tenir leurs engagements, les deux constructeurs, qui se rendent coup pour coup dans le moyen et le long-courrier afin de ne pas perdre des parts de marché, ont décidé d'augmenter leurs cadences de production.

La compétition est surtout féroce dans les monocouloirs ou moyen-courrier, segment dont la demande est nourrie par la volonté des compagnies aériennes de profiter de la chute des prix du kérosène pour renouveler leur vieille flotte.

Boeing entend désormais produire 57 appareils de la famille 737 par mois à compter de 2019, contre 42 actuellement. Le groupe avait déjà annoncé précédemment qu'il allait produire 47 B737 par mois en 2017 et 52 en 2018.

De son côté, Airbus, qui entend préserver son avance sur le segment des monocouloirs, veut porter la cadence de production de l'A320, à 60 exemplaires par mois mi-2019, contre 42 actuellement.

Ce rythme effréné inquiète les analystes, qui mettent en garde contre une surchauffe du marché suite au ralentissement de l'économie chinoise.

Les sous-traitants, qui travaillent souvent pour les deux avionneurs, redoutent, eux, de ne pouvoir suivre. L'an dernier, l'équipementier français Zodiac Aerospace a connu d'importants retards dans les livraisons de sièges.

En 2015, Boeing, dont les marges sont plus importantes que celles d'Airbus grâce à son avance dans le long-courrier, a enregistré un recul de 5% à 5,2 milliards de dollars de son bénéfice net, pour un chiffre d'affaires de 96,11 milliards de dollars (+5,9% sur un an).

Si la division civile a enregistré une augmentation de 10% à 66,05 milliards de dollars, les revenus des activités militaires ont reculé de 1,6% à 30,39 milliards de dollars. Cette dernière division a pâti des retards du ravitailleur KC-46 et a perdu l'énorme contrat du bombardier du futur aux États-Unis.

Le quatrième trimestre a été dominé par une charge de 569 millions de dollars liée à la réduction de la production du 747-8, affectée par un ralentissement de la demande dans le fret.