L'entrée en politique de Pierre Karl Péladeau a-t-elle fait chuter les revenus publicitaires de Québecor (T.QBR.B)? A-t-elle pu entraver les négociations avec Ottawa dans le secteur du sans-fil? Et à quoi s'attendre au plan stratégique si PKP revient dans l'entreprise?

L'ombre de Pierre Karl Péladeau, actionnaire de contrôle de Québecor et député péquiste depuis le mois dernier, a plané de façon insistante sur la conférence téléphonique qu'a tenue le groupe, hier, pour présenter les résultats du premier trimestre. Le nouveau président, Pierre Dion, a dû répondre à plusieurs questions des analystes financiers.

Jeffrey Fan, de la Banque Scotia, a notamment demandé si l'engagement politique de PKP risquait de nuire aux discussions prévues entre l'entreprise et le gouvernement fédéral dans le domaine du sans-fil. Québecor a acheté des fréquences qui lui permettraient d'offrir la téléphonie sur 80% du territoire canadien, mais Ottawa doit d'abord donner le feu vert.

«La décision de Pierre Karl était personnelle, et elle n'implique en rien Québecor, a fait valoir Pierre Dion. Il a démissionné de tous les postes qu'il occupait au conseil de QMI, de Québecor et de TVA.»

Greg MacDonald, de Macquarie Capital Markets, a pour sa part demandé si un retour de PKP à Québecor provoquerait un virage dans le domaine de la câblodistribution et du sans-fil. «En gros, je cherche à évaluer le potentiel de changements stratégiques s'il devait revenir dans l'entreprise», a dit l'analyste.

«Je ne répondrai évidemment pas à la place de Pierre Karl», a dit Pierre Dion avant d'ajouter que celui-ci n'est «plus impliqué dans les décisions stratégiques ou opérationnelles».

Changement de garde

Pierre Dion a pris la tête de Québecor la semaine dernière après le départ-surprise du président Robert Dépatie pour des «raisons de santé». Selon ce qu'a appris La Presse Affaires, M. Dépatie aurait plutôt quitté l'entreprise en raison de dissensions avec PKP au sujet de l'orientation stratégique que devrait prendre le groupe.

D'après des sources proches du dossier, Robert Dépatie estimait qu'il n'avait pas les coudées franches pour appliquer pleinement sa stratégie. Il prévoyait notamment la vente des journaux anglophones de la filiale Sun Media, à laquelle tient PKP. Un porte-parole de Québecor a quant à lui nié toute dissension entre les deux hommes et maintenu que M. Dépatie avait des ennuis de santé.

En réponse à la question d'un autre analyste, Pierre Dion a indiqué que Québecor n'entend plus vendre «aucune propriété» médiatique à ce stade-ci. Il a aussi souligné que le groupe maintiendra les activités de son agence de presse interne, QMI. «Je veux rappeler que notre secteur des journaux dégage des flux de trésorerie (cashflow).»

Pierre Dion a par ailleurs insisté sur sa légitimité à la tête du conglomérat, dont les revenus ont atteint 4,3 milliards de dollars l'an dernier. «J'ai un mandat clair et permanent, après 10 ans en tant que président de Groupe TVA, qui correspond au plan de succession qui a été décidé par le conseil d'administration. Le conseil m'a donné un mandat clair, celui de gérer Québecor avec l'objectif d'augmenter la valeur pour les actionnaires.»

Désabonnements

Au premier trimestre de 2014, le conglomérat a vu ses revenus progresser de 1,1%, à 1,04 milliard. Le bénéfice net a atteint 40,7 millions (33 cents par action), comparativement à 35,6 millions à la même période l'an dernier.

Vidéotron, la filiale de télécoms, a vu ses revenus s'établir à 692,7 millions, en hausse de 4,8%. Quelque 14 000 clients se sont désabonnés du service de télédistribution, comparativement à 5800 à la même période l'an dernier. Le nombre d'abonnés à la téléphonie par câble a pour sa part reculé de 5700 pendant le trimestre, alors qu'il avait grimpé de 9100 il y a un an.

Certains analystes ont attribué ces reculs au fait que l'entrée en politique de Pierre Karl Péladeau ait pu déplaire aux clients les plus fédéralistes. Pendant la téléconférence d'hier, Manon Brouillette, présidente de Vidéotron, a affirmé que ce geste n'avait pas entraîné de hausse importante du volume d'appels à Vidéotron ni de coûts excédentaires. Les désabonnements à la téléphonie fixe sont essentiellement attribuables au phénomène du cord cutting, soit la migration vers le seul sans-fil, a-t-elle ajouté.

Pierre Dion a renchéri en affirmant qu'aucun partenaire publicitaire de taille n'avait quitté Québecor après la profession de foi souverainiste de PKP. «En termes de revenus publicitaires, nous n'avons perdu aucun annonceur important.»

Pour ce qui est de l'expansion du sans-fil à l'extérieur du Québec, le groupe examine en ce moment «plusieurs options» afin d'utiliser de la façon la plus judicieuse les nouvelles fréquences achetées au coût de 233 millions de dollars. Une rencontre est prévue d'ici à quelques mois avec le gouvernement canadien.

En règle générale, les analystes ont estimé que les résultats présentés hier par Québecor étaient conformes ou légèrement supérieurs aux attentes du marché. Le titre de l'entreprise a clôturé à 26$ hier à la Bourse de Toronto, en hausse de 1,2%.