En plus de concurrencer plus férocement la C Series, maintenant contrôlée par Airbus, le partenariat planifié par Boeing et Embraer risque d'accroître la pression sur les avions régionaux de Bombardier, estiment des observateurs.

Le géant américain contrôlera 80 % de la coentreprise valorisée jeudi à 4,75 milliards $ US, tandis que l'avionneur brésilien détiendra les 20 % restants. La clôture est prévue à la fin de 2019.

Bombardier a affirmé que ce rapprochement était une réponse directe à la prise de contrôle de la C Series - le plus important avion commercial jamais construit par l'avionneur québécois - par Airbus.

«Même si Boeing et Embraer finalisent leur partenariat, les C Series sont des avions supérieurs», a indiqué par courriel un porte-parole de la société, Simon Letendre.

Le directeur du groupe d'études en management des entreprises en aéronautique à l'UQAM, Mehran Ebrahimi, a abondé dans le même sens, expliquant que le géant américain voulait «se rattraper» après avoir raté l'occasion dans le passé de mettre le grappin sur l'avion développé par Bombardier.

Selon Richard Aboulafia, de la firme américaine Teal Group, Embraer avait besoin de l'appui d'un géant comme Boeing afin d'améliorer la compétitivité de ses modèles 190 et 195 E 2 pour qu'ils puissent rivaliser avec la C Series.

De l'avis de l'analyste, un des principaux objectifs de la transaction est la réduction des coûts pour le constructeur brésilien.

«C'est vraiment une question de chaîne d'approvisionnement», a expliqué M. Aboulafia au cours d'un entretien téléphonique.

Un nouveau rival

S'il croit aussi que l'alliance prévue entre Boeing et Embraer se veut une riposte à Airbus, Walter Spracklin, de RBC Marchés des capitaux, voit également d'autres effets à plus long terme pour Bombardier. Dans une note envoyée par courriel, l'analyste a rappelé que les avions régionaux construits par la société brésilienne passeront dans le giron de son partenaire américain.

«Nous voyons en quelque sorte un désavantage [pour Bombardier] puisque la compagnie devra lutter contre un concurrent qui a une importante force de vente et d'imposantes ressources en marketing», a écrit M. Spracklin.

Du même avis, M. Ebrahimi a cependant rappelé que l'avionneur québécois avait déjà commencé à s'adapter, notamment en proposant une nouvelle cabine pour ses CRJ 900 tout en réitérant son engagement à l'endroit des avions à hélices Q400.

Ernie Arvai, de la firme AirInsight, croit que Bombardier peut tirer son épingle du jeu, ajoutant que l'entreprise en avait fait la preuve avec ses récentes commandes d'avions régionaux auprès de Delta Air Lines et American Airlines.

De plus, la clause limitant la taille des avions régionaux demeure en vigueur aux États-Unis, ce qui procure notamment un avantage aux CRJ 700 et 900 par rapport aux E175 E2 d'Embraer, croit le consultant chez AirInsight.

«Je crois qu'il est normal d'être préoccupé lorsque l'on fait face à un rival aux reins solides, mais je ne crois pas qu'il faille paniquer à ce moment-ci», a-t-il analysé.

Ce dernier estime également que le géant américain n'est pas aussi agile que Bombardier dans le marché des appareils régionaux.

M. Arvai a également prévenu qu'il pourrait y avoir de la discorde au sein de la coentreprise que souhaitent mettre sur pied Boeing et Embraer étant donné que la culture organisationnelle des deux entreprises est très différente.

Nouveaux produits?

Quant à lui, Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux, croit qu'Embraer aura des ressources financières à sa disposition afin de mettre de l'avant des «initiatives de croissance» dans le segment des jets d'affaires, en plus de potentiellement développer un avion turbopropulsé afin de concurrencer le Q400.

«Sur une note plus positive, l'industrie des avions commerciaux passera de quatre joueurs principaux à deux, ce qui devrait rétablir une certaine logique en ce qui a trait aux prix offerts», a écrit l'analyste dans une note.

M. Poirier a souligné que l'an dernier, au Salon aéronautique du Bourget, près de Paris, Embraer avait manifesté son intérêt entourant le développement d'un nouvel avion à hélices.

À la Bourse de Toronto, le titre de Bombardier a clôturé à 5,18 $, en hausse de 17 cents, ou 3,39 %.