L'hiver a été pénible pour le CN, comme en ont témoigné ses résultats financiers trimestriels dévoilés lundi. Mais l'entreprise assure en avoir tiré des leçons, dont une en particulier : mieux vaut trop investir que pas assez.

Le transporteur ferroviaire établi à Montréal a livré lundi des résultats financiers pour son premier trimestre jugés décevants, bien que les analystes s'y soient attendus. Dès la mi-mars, le nouveau président et chef de la direction par intérim, Jean-Jacques Ruest, avait averti que les résultats du mois de février étaient « probablement les pires [qu'ils aient] eus depuis longtemps ».

Le tout était attribuable à une congestion du réseau elle-même due à des conditions hivernales rigoureuses, mais surtout à une saturation du réseau perceptible avant même la tombée du premier flocon, avait reconnu M. Ruest. Ces problèmes ont mené au renvoi par le conseil d'administration du président et chef de la direction Luc Jobin. La direction restante assure avoir retenu la leçon.

« Nous sommes humbles par rapport à cela, nous avons retenu la leçon, c'est certain », a indiqué lundi après-midi le chef de la direction financière Ghislain Houle, en réponse à une question d'un analyste financier.

MARGE DE MANOEUVRE

« Une leçon que j'ai retenue, d'un point de vue financier, est qu'il y a certains corridors, comme ceux d'Edmonton et de Winnipeg à travers lesquels passent toutes nos commodités, où il faut se bâtir une certaine marge de manoeuvre, a poursuivi M. Houle. C'est une question de mesurer le coût de se tromper. »

« Si on bâtit trop, le coût est celui de l'argent dans le temps. On n'aime pas investir trop tôt, mais si on croit en notre plan de croissance, cette capacité va servir un jour ou l'autre. »  - Ghislain Houle, chef de la direction financière du CN

« À l'opposé, si on gère ces corridors de façon trop serrée, ce que les chemins de fer ont tendance à faire et que nous avons fait un peu dans le passé, qu'on sous-investit et qu'on se trompe, on se retrouve avec ce que l'on a vu au cours du dernier trimestre, des clients insatisfaits, des pressions à Ottawa, etc. »

Sans « bâtir une église pour le dimanche de Pâques », le CN peut certainement investir un peu plus et se donner une marge de manoeuvre pour répondre rapidement à des pics de croissance, a reconnu M. Houle.

« On peut être débordés le dimanche de Pâques parce que c'est une journée dans l'année, mais on ne peut pas être débordés trois mois de suite », a-t-il admis.

VENTE À MONTRÉAL

Le CN a réagi à ces difficultés en lançant il y a quelques semaines un important plan d'investissement en infrastructures qui lui permettra notamment de doubler des voies importantes dans l'ouest du pays, d'engager davantage de personnel et de se procurer plus de locomotives.

En marge de l'assemblée annuelle des actionnaires de l'entreprise, hier à Toronto, M. Ruest a indiqué qu'elle pourrait chercher à se départir au cours des prochains mois d'actifs immobiliers à Montréal et à Calgary, notamment, pour investir les sommes obtenues dans l'amélioration de son réseau dans l'ouest du pays, selon ce qu'a rapporté l'agence Bloomberg.

La direction du CN n'a pas donné suite à une demande d'entrevue de La Presse.

La direction du CN ne s'attend toutefois pas à ce que le plein impact de ces investissements soit perceptible avant la fin du troisième trimestre ou le début du quatrième. D'ici là, les résultats des deuxième et troisième trimestres risquent eux aussi d'être inférieurs à ceux des trimestres comparables, a-t-on prévenu.

PRÉVISIONS REVUES À LA BAISSE

L'entreprise a aussi revu à la baisse ses prévisions annuelles de bénéfice par action, les ramenant dans une fourchette de 5,10 $ à 5,25 $, plutôt que celle de 5,25 $ à 5,40 $ précédemment annoncée.

« Avec le recul, nous aurions probablement dû déclencher ce plan d'action en avril ou en juin l'an dernier. » - Jean-Jacques Ruest, président et chef de la direction par intérim du CN

Le CN n'entend pas non plus faire une obsession de son ratio d'opérations, qui mesure la part de chaque dollar de revenu dépensé dans les opérations. Ce ratio a atteint 67,8 % au dernier trimestre, un niveau très élevé. Il était de 61,8 % à pareille date l'année dernière et s'est déjà fréquemment retrouvé sous les 60 %.

« Nous sommes à la croisée des chemins, à nous demander s'il est sage pour nous de chercher à avoir le plus petit ratio d'opérations de l'industrie, a reconnu M. Ruest. Si l'on se fie à notre expérience récente, ça a eu un impact sur notre capacité à répondre à la croissance. »

La bonne nouvelle, a indiqué M. Houle, c'est que c'est une demande plus forte que prévu qui a surchargé le réseau et que cette demande est toujours au rendez-vous.

« Nous avons ces opportunités de croissance devant nous, mais nous avons besoin de ces nouvelles infrastructures pour en profiter. »