Le Canada vient d'essuyer un revers à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui étudiera la plainte déposée par le Brésil entourant les aides financières octroyées à Bombardier pour développer la C Series.

Au cours des derniers mois, Ottawa tentait de limiter la portée du mandat du Groupe spécial de l'organisation internationale en reprochant au pays d'Amérique du Sud d'avoir ajouté quatre éléments à sa plainte déposée en février 2017.

Selon le Brésil, l'avionneur québécois a bénéficié d'aides financières de plus de 3 milliards US, ce qui risque de provoquer d'autres « distorsions » dans le secteur aéronautique, au détriment des intérêts brésiliens - soit le constructeur Embraer.

Cela aurait ainsi permis à Bombardier de vendre la C Series à bas prix, ce qui aurait perturbé l'équilibre du marché en plus de nuire aux autres joueurs du secteur.

Dans une décision rendue mardi, les trois membres du comité de l'OMC rejettent les arguments canadiens à l'égard des mesures supplémentaires: le programme des supergrappes d'innovation d'Ottawa pouvant atteindre 950 millions, un programme de la Ville de Montréal, une mesure d'efficacité énergétique d'Hydro-Québec ainsi qu'un crédit d'impôt québécois.

« Le Groupe spécial convient que les quatre mesures en cause s'inscrivent dans le champ et l'essence du différend tel que décrit par le Brésil, si bien que le champ du différend n'est pas élargi », peut-on lire dans le jugement préliminaire de 13 pages.

Les autorités brésiliennes disaient avoir pris connaissance de ces incitatifs dans le cadre de la dispute commerciale entre Boeing et Bombardier, qui a débuté quelques mois après le dépôt de la plainte contre Ottawa.

Pour sa part, le gouvernement Trudeau alléguait que les quatre programmes évoqués dans la demande d'établissement du groupe spécial venaient élargir le champ du différend évoqué initialement par le Brésil.

Ce n'est pas la première fois que des subventions destinées au secteur aéronautique se retrouvent au coeur de litiges entre le Canada et le Brésil, puisque les deux pays se sont mutuellement affrontés devant les tribunaux commerciaux dans les années 1990.

« Dans ce dossier, malheureusement, le Canada n'a ni le droit et ni les faits de son côté, a souligné Geneviève Dufour, professeure à la faculté de droit de l'Université de Sherbrooke. Par conséquent, il a décidé d'opter pour un jeu de procédures, ce que tout bon avocat fait. »

Par courriel, Joseph Pickerill, un porte-parole du ministre du Commerce international François-Philippe Champagne, a indiqué que le Canada était « déçu » de la décision de l'organisation internationale établie à Genève.

Celui-ci a néanmoins indiqué qu'Ottawa allait continuer de « collaborer pleinement » avec les autorités internationales.

« L'industrie aérospatiale canadienne revêt une importance stratégique, et le Canada est prêt à défendre ses mesures de soutien ainsi que les 200 000 travailleurs de cette industrie au pays », a fait valoir M. Pickerill, dans sa réponse.

Pour sa part, un porte-parole de Bombardier, Simon Letendre, a souligné par courriel que la décision préliminaire clarifiait la portée de la procédure, ce qui « était nécessaire ». Il a ajouté que le dossier en était encore à une étape préliminaire et que l'avionneur québécois continuait de soutenir « totalement » le gouvernement canadien.

« Les programmes d'investissements et de contribution mentionnés dans la requête du Brésil sont pleinement conformes à toutes les règles l'OMC et du commerce international », a écrit M. Letendre.

L'OMC a également rejeté les arguments du Canada à l'effet que le Brésil n'avait pas été en mesure d'identifier les coups de pouce du Centre technologique en aérospatiale, du Conseil national de recherches et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

Le mécanisme de règlement des différends avait été mis de l'avant en septembre dernier, au terme d'un mois de consultations où les Brésil et le Canada n'avaient pu dénouer l'impasse.

« Maintenant, le Groupe spécial va commencer à recevoir les informations des parties concernées sur le fond de la dispute, a dit la professeure à la faculté de droit de l'Université de Sherbrooke. Il s'agit de communications et de mémoires. »

Mme Dufour a également souligné qu'il faudra suivre le dossier de la personne chargée de collecter les renseignements, qui s'estime incapable de réaliser son travail. Celle-ci avait été nommée le 23 octobre dernier par l'Organe de règlement des différends de l'OMC.