Nouvelle perturbation en vue chez Air France: une large intersyndicale, tous métiers confondus, appelle à une grève le 23 mars pour réclamer des augmentations de salaires, un mois après le précédent mouvement qui avait conduit à l'annulation d'un quart des vols.

Onze syndicats exigent une revalorisation des grilles salariales de 6%, censée rattraper la perte de pouvoir d'achat subie depuis la dernière augmentation générale en 2011.

«Le mouvement continue» face à une direction qui «reste sourde» aux revendications exprimées avec «succès» le 22 février, ont écrit mardi, dans un communiqué, les organisations de pilotes (SNPL, Spaf, Alter), d'hôtesses et stewards (SNPNC, Unsa-PNC, CFTC, SNGAF) et de personnels au sol (CGT, FO et SUD).

La direction «reste campée» sur une proposition salariale «indécente» alors «qu'elle annonce des bénéfices records, suite à 6 ans de blocage de salaire et des efforts d'efficacité économiques très importants», a ajouté l'Unac, syndicat PNC qui appelle aussi à cesser le travail.

Le 22 février, l'appel intercatégoriel à la grève - inédit depuis 1993 - avait été suivi par près d'un quart du personnel (22%), selon la direction, contrainte d'annuler jusqu'à la moitié des vols long-courriers.

Dans une réaction écrite à l'AFP, l'entreprise «déplore» mardi la reprise d'un mouvement «qui pénalisera ses clients et ne fera que dégrader la situation de la compagnie et de ses salariés».

Le bras de fer a été engagé après l'échec des négociations salariales.

Faute de consensus, la direction a appliqué unilatéralement une augmentation générale de 1% en deux temps et une enveloppe d'augmentations individuelles (primes, promotions, ancienneté...) de 1,4% pour les agents au sol.

Insuffisant aux yeux de l'intersyndicale, qui s'appuie sur des résultats d'entreprise en forte hausse. Le groupe Air France-KLM a affiché un bénéfice d'exploitation en hausse de 42% pour 2017, à 1,488 milliard d'euros, dont 588 millions pour la partie française.

«Durcir le mouvement»

«Les résultats d'Air France se sont améliorés, mais ils restent encore largement en dessous de ceux des principaux concurrents», Lufthansa et IAG notamment, réaffirme mardi la direction.

Accorder une augmentation équivalente à «40% du résultat d'exploitation 2017 (...) remettrait en cause» l'équilibre «entre la reconnaissance légitime des efforts des salariés et la priorité à l'investissement et à la reprise des embauches», en même temps que cela «fragiliserait le redressement engagé», estime-t-elle.

La direction affirme que «le montant perçu par les salariés augmentera de 4,5% en moyenne pour l'année du fait de l'augmentation générale, des augmentations individuelles et du versement de l'intéressement».

Mais les syndicats ne l'entendent pas de cette oreille: ils exigent des augmentations pérennes et remettent en cause les calculs d'Air France.

La direction «se contente de nous distribuer une aumône de 0,6% en avril et 0,4% en octobre, soit moins de 0,6% sur l'année», avancent-ils mardi. Ils menacent de «durcir le mouvement en l'absence de négociations» d'ici au 15 mars, date d'une prochaine réunion intersyndicale.

La veille, le SNPL, majoritaire dans les cockpits d'Air France, aura mis fin à la consultation actuellement menée auprès des pilotes pour «recourir, au besoin, à un ou plusieurs arrêts de travail» pouvant dépasser six jours.

«La direction d'Air France recevra l'intersyndicale dans le meilleur délai afin d'essayer ensemble d'éviter ce nouveau conflit», a précisé cette dernière à l'AFP.

Mais la tâche s'annonce ardue, sinon impossible sans concessions offertes aux syndicats. Ces derniers ont pour eux l'arme de la grève, certes, mais aussi le soutien d'une partie des personnels, lassés des précédents plans de restructuration.

Le conflit salarial se nourrit par ailleurs de tensions qui pèsent sur le climat social d'Air France depuis de longues semaines.

Des mécaniciens mènent ainsi une grève épisodique depuis décembre pour des questions salariales là aussi. Les représentants des pilotes s'écharpent avec la direction sur la sécurité des vols, quand les PNC d'Air France voient avec amertume la filiale à coûts réduits Joon décoller sans eux.

Et la tension n'est pas près de retomber. Le procès en appel de la «chemise arrachée», réminiscence d'un conflit d'ampleur en 2015, doit s'ouvrir la semaine prochaine à Paris.