Le gouvernement de Justin Trudeau révisera le contrat en vertu duquel Bell Helicopter doit vendre 16 appareils construits dans son usine de Mirabel au gouvernement des Philippines. Le dossier est d'autant plus épineux pour Ottawa que le président Rodrigo Duterte, très autoritaire, s'est déjà vanté d'avoir jeté un homme d'un hélicoptère en plein vol.

Le contrat concerne la vente de 16 appareils 412EPI à l'armée de l'air des Philippines, afin de servir à des missions « de secourisme en cas de désastres, de recherche, de transport de passagers et de transport utilitaire », selon le communiqué publié par l'entreprise mardi. Or, des commentaires récents d'un dirigeant de l'armée philippine laissent entendre que les hélicoptères pourraient aussi servir à des « opérations internes ».

En point de presse à Ottawa, hier, le ministre du Commerce international, François-Philippe Champagne, a rappelé que l'entente initiale pour la vente des appareils a été conclue en 2012, « sous l'ancien gouvernement conservateur », par l'entremise de la Corporation commerciale canadienne (CCC).

« À l'époque, les faits indiquaient que ces hélicoptères-là avaient une fin de recherche et sauvetage. Lorsqu'on a vu les commentaires d'un dirigeant militaire de l'armée des Philippines qui indiquaient autrement, évidemment, on a demandé à ce moment-là une revue de la part de la CCC. » - François-Philippe Champagne, ministre du Commerce international

Bell Helicopter a évalué à 234 millions de dollars américains la valeur de son contrat avec les Philippines. Questionné sur les impacts qu'aurait une possible annulation du contrat sur les emplois à Mirabel, le ministre Champagne a fait valoir que la priorité d'Ottawa était pour l'instant « d'établir les faits ». Il a refusé de dire si l'analyse du gouvernement serait rendue publique.

Justin Trudeau avait profité d'une rencontre avec le président philippin Rodrigo Duterte, en novembre dernier, pour aborder directement avec lui la question du respect des droits de l'homme, ce qui avait soulevé l'ire de son homologue. M. Duterte est notamment accusé de mener une guerre sanglante contre les trafiquants de drogue.

L'OPPOSITION INQUIÈTE

Talonnée par le Nouveau Parti démocratique à la Chambre des communes hier après-midi, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a adopté un ton assez sévère.

« Le premier ministre et moi-même avons été très clairs au sujet de nos opinions sur les violations des droits de la personne et les exécutions extrajudiciaires du régime de Duterte, y compris pendant notre séjour aux Philippines, a-t-elle déclaré. Je ferai une analyse extrêmement rigoureuse des droits de la personne pour toutes les demandes de permis d'exportation potentielles liées à ce contrat. »

La députée Hélène Laverdière, critique néo-démocrate en matière d'affaires étrangères, a pour sa part émis de sérieuses critiques.

« Je comprends que le gouvernement va réévaluer le dossier. Nous en sommes contents, mais ça démontre que le système est plein de trous. Même la ministre Freeland semblait penser que ça prenait un permis d'exportation, mais il semble que non. » - Hélène Laverdière, critique néo-démocrate en matière d'affaires étrangères, lors d'un entretien avec La Presse

« La loi dit qu'on ne peut vendre ces produits à moins de n'avoir aucun doute raisonnable qu'ils puissent être utilisés contre des populations civiles ou pour commettre des violations des droits de la personne, a-t-elle poursuivi. Dans ce cas, comme dans celui de l'Arabie saoudite, je pense qu'il y a des doutes sérieux. »

Bell Helicopter n'a pu répondre aux questions de La Presse, hier. Une porte-parole, Patricia Bergeron, a simplement indiqué que le revirement de situation avait « un peu déstabilisé » l'entreprise.