La victoire de Bombardier auprès de la Commission américaine sur le commerce international (USITC) pourrait accélérer une alliance entre Boeing et Embraer visant à concurrencer la C Series, estiment certains analystes.

À leur avis, les efforts déployés par Boeing pour acquérir le constructeur brésilien suggèrent que le géant américain considère que son offre dans le segment des avions de 100 à 150 places ne constitue pas une option valable.

«Cela pourrait toutefois changer grâce à un partenariat ou une acquisition d'Embraer, dont le portefeuille est similaire à celui de Bombardier», a écrit Chris Murray, d'AltaCorp Capital, dans un rapport envoyé lundi.

L'analyste a également rappelé que le Brésil s'est tourné vers l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contre le Canada dans le cadre des aides gouvernementales octroyées à Bombardier.

De son côté, Seth Seifman, de JP Morgan, a souligné que le titre d'Embraer s'était apprécié vendredi lorsque la décision de la USITC a été dévoilée, ce qui signifie selon lui que le marché anticipe une transaction entre les avionneurs brésilien et américain.

Vendredi, le titre d'Embraer avait grimpé à la Bourse de New York avant de céder du terrain lundi.

Une transaction avec la société brésilienne permettrait à Boeing de mettre la main sur les E-Jets, une famille d'appareils qui rivalisent plus directement avec la C Series plutôt que sa gamme d'avions 737.

S'il convient que la décision de la USITC risque d'accélérer les discussions entre Boeing et Embraer, Richard Aboulafia, de la firme américaine Teal Group, croit qu'une union entre les deux avionneurs est «illogique».

«Je crois que Boeing tente de se convaincre que ce segment (les avions de 100 à 150 places) menace ses principales activités», a expliqué l'analyste au cours d'une entrevue téléphonique.

À son avis, c'est l'annonce du partenariat annoncé en octobre et qui permet à Airbus de devenir l'actionnaire de contrôle de la C Series qui est à l'origine du rapprochement entre Boeing et Embraer.

Nouvelles commandes ?

Vendredi dernier, les quatre commissaires de la commission avaient conclu que la C Series ne portait pas préjudice à Boeing, éliminant du même coup les droits de 292,21 % déterminés par le département du Commerce.

Il s'agissait ainsi d'un revers pour Boeing qui alléguait dans sa plainte avoir subi un préjudice en raison des subventions indues octroyées à Bombardier qui lui ont permis d'offrir des prix jugés dérisoires à Delta Air Lines pour décrocher une commande 75 appareils CS100 en 2016.

En plus de dissiper des turbulences qui secouaient la C Series, certains analystes ont estimé que cette victoire inattendue pourrait stimuler les ventes de l'avion au sud de la frontière, ce qui a incité certains à relever leurs cours cible.

«La fin de ce litige atténue les risques du programme aux États-Unis», a écrit dans une note Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux, qui a relevé à 4,50 $ son cours cible pour l'action de Bombardier.

Si JetBlue, Spirit Airlines et Sun Country n'étaient pas des clients de la C Series, ces transporteurs aériens avaient appuyé l'entreprise lors de sa dispute avec Boeing, a souligné l'analyste, estimant que cela démontrait leur intérêt pour la C Series.

Steve Hansen, de Raymond James, anticipe quant à lui une reprise des pourparlers avec des clients potentiels.

«Nous croyons que cette décision permettra immédiatement à ces discussions - qui étaient vraisemblablement interrompues en raison des tarifs (d'environ 300 %) réclamés par le département du Commerce en décembre - de reprendre», a fait valoir l'analyste dans un rapport.

M. Aboulafia n'était toutefois pas du même avis, rappelant que la C Series était sur le marché depuis près d'une décennie et qu'aucune compagnie américaine ne semblait «pressée» d'en acheter.

Par ailleurs, cette la décision de la USITC n'est probablement pas le dernier chapitre du litige entre Boeing et Bombardier, pense M. Murray. L'analyste d'AltaCorp Capital a estimé que le géant de Chicago pourrait porter la décision en appel ou revenir à la charge avec une nouvelle plainte.

Des avocats spécialisés en droit commercial avaient expliqué à La Presse canadienne vendredi qu'il serait très difficile pour l'avionneur américain d'avoir gain de cause en cas d'appel.

À la Bourse de Toronto, le titre de Bombardier a pris 6 cents, ou 1,69 %, lors de la séance, pour clôturer à 3,60 $.