Delta Air Lines n'a plus l'intention de se procurer des appareils de la C Series fabriqués à Mirabel, a confirmé l'entreprise américaine, hier, lors d'importantes audiences devant l'International Trade Commission (ITC), à Washington. Elle n'acceptera que des appareils assemblés à Mobile, en Alabama.

Avec ses 75 commandes fermes et 50 options additionnelles, Delta est le plus important client de la C Series. Sa commande est celle qui a incité Boeing à déclencher une guerre commerciale avec Bombardier.

Bombardier devait normalement livrer à Delta son premier appareil CS 100 le printemps prochain. Une déclaration faite hier devant les commissaires de l'ITC par Greg May, vice-président exécutif à la chaîne d'approvisionnement de Delta, confirme toutefois que ce ne sera pas le cas. Le transporteur préférera attendre des avions issus de la nouvelle chaîne d'assemblage final promise par Bombardier et Airbus en Alabama, même s'ils ne viendront possiblement pas avant 2020.

Selon certains analystes, ce sont 16 avions que Bombardier devait livrer à Delta l'an prochain. Si elle souhaite atteindre son objectif de fabriquer et livrer 40 avions C Series en 2018, Bombardier devra trouver un nouveau preneur.

Il y a quelques jours, l'agence Reuters avançait la possibilité qu'Aeromexico, dont Delta est le plus important actionnaire, acquière ces aéronefs.

L'IMPOSITION DE TARIFS PUNITIFS 

Entre-temps hier, les gouvernements du Canada et du Royaume-Uni ont exhorté le tribunal américain à refuser l'imposition de droits sur les avions de Bombardier.

Le gouvernement canadien a plaidé devant l'ITC contre l'imposition de tarifs punitifs sur les avions C Series de Bombardier exportés au sud de la frontière.

L'ambassadeur du Canada à Washington, David MacNaughton, a notamment affirmé que les droits compensatoires préliminaires et antidumping suggérés de 300 % sont illégitimes pour plusieurs raisons.

Selon lui, l'argument selon lequel l'importation de C Series aux États-Unis pourrait porter préjudice à Boeing relève de la pure spéculation.

M. MacNaughton a notamment affirmé que rien ne prouvait que la famille d'avions C Series constituait une rivale pour les différents modèles d'avions de Boeing, ajoutant que le carnet de commandes de l'avionneur américain était garni pour environ sept ans.

À son avis, cela déboulonne les affirmations de Boeing voulant que la C Series puisse lui porter préjudice et que des emplois américains soient en jeu, puisque Bombardier compte plus de 23 000 salariés dans neuf États.

De son côté, Bombardier a estimé devant l'ITC que les droits antidumping réclamés par son concurrent Boeing n'étaient pas justifiés, surtout depuis la décision d'assembler l'avion CSeries aux États-Unis.

« La plainte de Boeing est une attaque sans fondement contre les compagnies aériennes » et Bombardier qui a vendu et cherche à vendre ses avions CS100 et CS300 de 100 à 160 places, concurrents du Boeing 737, selon les arguments défendus à Washington par le manufacturier canadien.

DES RAMIFICATIONS PLUS LARGES

David MacNaughton a également affirmé, à l'extérieur de la salle d'audience, que le litige commercial entre Boeing et Bombardier avait des ramifications plus larges.

« Ce que nous voyons peut être attribué, en grande partie, au discours qui a cours aux États-Unis actuellement - et je ne fais pas seulement référence à une source de ce discours, je parle plus largement de la rhétorique anticommerce qui a donné la permission aux entreprises des États-Unis de prendre des mesures qu'elles n'auraient pas prises auparavant », a déclaré M. MacNaughton.

« Le véritable danger de cette situation est l'impact négatif qu'elle aura sur les emplois aux États-Unis. » - David MacNaughton

L'ambassadeur de Grande-Bretagne aux États-Unis a exposé un argumentaire similaire et a ajouté un coup de plus à l'endroit de Boeing. Kim Darroch a argué que Boeing avait bénéficié de milliards de dollars d'aide du gouvernement par l'entremise de divers mécanismes américains tout en décriant les subventions obtenues par des concurrents à l'étranger.

Boeing allègue que des aides gouvernementales indues ont permis à Bombardier de percer certains marchés et que la C Series nuit aux ventes de certains de ses appareils. 

Il est difficile de compétitionner lorsque votre rival bénéficie d'une source inépuisable de financement de la part de contribuables étrangers, a affirmé hier le président et chef de la direction de Boeing Commercial Airplanes, Kevin McAllister.

« Dans une concurrence saine, je miserais sur Boeing, sur les employés aux États-Unis, sur l'industrie américaine à tous les coups. Mais nous devrions avoir à nous mesurer seulement aux entreprises privées - pas aux gouvernements et aux avions qu'ils créent et produisent par l'entremise de subventions sans fin », a-t-il soutenu.

- Avec La Presse canadienne

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

David MacNaughton, ambassadeur du Canada à Washington