Bombardier, Delta, la Commission européenne et la Caisse de dépôt ont tous déposé mardi auprès du département américain du Commerce des plaidoyers très sévères et critiques pour convaincre celui-ci de réduire, voire d'annuler, les droits compensatoires de 220 % qu'il souhaite imposer aux avions de la C Series.

Selon Bombardier, « plusieurs analyses dans la décision intérimaire du Département sont déconnectées des exigences statutaires et réglementaires, ne trouvent aucun appui dans la preuve, ou les deux ».

Les droits compensatoires que souhaite imposer le département du Commerce (DoC) visent à dédommager le plaignant, Boeing, pour différentes aides gouvernementales prétendument illégales reçues par Bombardier. Ainsi, l'investissement de 1 milliard de dollars américains réalisé par le gouvernement du Québec en 2016 justifie à lui seul une pénalité de 147 %, selon le Département.

À cet effet, Bombardier s'attaque principalement au fait que le DoC s'est appuyé sur une prétention de Boeing pour déterminer qu'un investisseur privé aurait exigé un taux de rendement interne de 25 à 30 % pour réaliser cet investissement. Selon Bombardier, rien dans la réglementation américaine ne soutient cette exigence très élevée.

Pire, cette prétention de Boeing s'appuierait sur un sondage réalisé par un professeur universitaire auprès de certains investisseurs privés qui ne sont pas identifiés et qui remonte à 2012.

« Le coeur de l'analyse du Département à savoir s'il s'agissait d'un investissement valable n'est rien de plus que quelques fragments d'un article qui explique un sondage dépassé », résume-t-on.

Dans ses calculs, le DoC a aussi employé un taux de rendement attendu de 18,87 %, alors que le coût du capital de Bombardier était de 8,75 % en 2015, « moins de la moitié », selon Bombardier. Le DoC s'est également appuyé sur des taux d'emprunt normalement attribués à des entreprises cotées CCC par les agences de crédit, alors que Bombardier était cotée BB et donc en mesure de profiter de taux plus faibles.

Il en résulte que le DoC « a surévalué le risque de défaut de paiement de Bombardier par un multiple de six sur un horizon de 5 ans et de trois sur un horizon de 15 ans ».

En résumé, fait-on valoir, l'investissement fait par le gouvernement du Québec aurait légitimement pu être réalisé par un investisseur privé à des conditions similaires et ne constitue donc pas une subvention illégale.

LA COMMISSION EUROPÉENNE S'EN MÊLE

C'était aussi la première fois mardi qu'intervenait directement au dossier la Commission européenne. Celle-ci s'intéresse au dossier parce qu'il comprend des aides financières versées par le gouvernement du Royaume-Uni.

« La Commission souhaite souligner que cette enquête démontre des faiblesses significatives, tant par ses conclusions que par les méthodes employées », écrit la Commission.

Elle reproche notamment aux Américains une situation « kafkaïenne » qui a mené à « une violation flagrante des règles élémentaires d'un traitement équitable quand une administration requiert d'une partie qu'elle fournisse des données à propos de quelque chose qui n'existe pas ».

Bombardier a été accusée par le DoC de ne pas avoir fourni des informations sur le coût de fabrication des avions vendus à Delta, avions qui ne sont pas encore construits.

GÉANTS AMÉRICAINS EN DANGER ?

Quant à la Caisse de dépôt, dont l'investissement dans Bombardier Transport avait été jugé légitime par le DoC, elle s'insurge néanmoins d'avoir été considérée comme étant une « autorité gouvernementale ».

Si elle devait être considérée comme telle, fait valoir la Caisse, ce devrait aussi être le cas d'autres fonds de pension américains, dont le géant californien CalPERS, qui détient des investissements significatifs dans 3M, Apple, Cisco, Dow Chemical, GE, Intel, Johnson & Johnson ou même Boeing.

« Une décision trop large du Département mettrait toutes ces entreprises, et d'autres, à risque de faire l'objet de droits compensatoires », rappelle-t-elle.

IMPORTANTES EMBAUCHES POUR LA PRODUCTION DU GLOBAL 7000

Par ailleurs, Bombardier se prépare à embaucher quelque 1000 personnes dans ses installations montréalaises alors que l'avionneur compte accélérer la cadence de production de son nouvel avion d'affaires Global 7000, selon une source. Un porte-parole de la multinationale québécoise n'a pas directement commenté, mais a confirmé qu'un événement était prévu demain afin de faire le point sur le programme de ce nouvel avion d'affaires. Plus de détails devraient alors être dévoilés. Le Global 7000 doit entrer en service d'ici la fin de 2018. Ces embauches surviennent à la suite d'importants licenciements effectués depuis 2015 dans le cadre du plan de redressement de cinq ans. Quelque 14 500 postes avaient été éliminés à travers le monde dans ses divisions de l'aéronautique et de matériel roulant.

- La Presse canadienne