Quand la firme de gestion d'actifs montréalaise Letko Brosseau a décidé d'investir dans Air Canada durant la crise financière en 2009, peu de gens s'intéressaient à l'action du transporteur aérien, qui valait alors un dollar. Letko Brosseau a vu une occasion à ce prix et a acheté 23 millions d'actions.

Après avoir plus que doublé cette participation au fil des ans pour la porter à près de 50 millions d'actions, le temps est venu pour le principal actionnaire d'Air Canada d'encaisser une partie de ses profits alors que l'action vient de frôler la barre des 30 $ en Bourse.

Letko Brosseau a révélé jeudi dans un document déposé auprès des autorités boursières qu'elle avait vendu pour une centaine de millions de dollars d'actions d'Air Canada au cours des deux derniers mois.

Un bloc d'actions d'une valeur de 9 millions a notamment été cédé durant la seule séance du 26 octobre, soit quelques jours après le sommet de 28,70 $ enregistré par le titre.

13 MILLIONS D'ACTIONS EN 2017

Letko Brosseau s'est ainsi départie de 4,5 millions d'actions d'Air Canada durant les mois de septembre et octobre. Depuis le début de l'année, c'est plus de 13 millions d'actions d'Air Canada que Letko Brosseau a vendues.

Letko Brosseau demeure le plus gros actionnaire d'Air Canada, mais sa participation, qui s'est déjà élevée à près de 20 %, a maintenant été abaissée à 12 %. Il ne faut toutefois pas y voir le moindre désaveu, selon Peter Letko, qui s'attend à une hausse des profits du transporteur l'an prochain.

« Air Canada est encore un très bon investissement », affirme le gestionnaire de portefeuille.

« L'évaluation du titre demeure très raisonnable. C'est même un titre dont l'évaluation compte parmi les plus raisonnables des sociétés au Canada. »

- Peter Letko

« L'action d'Air Canada se négocie à environ cinq fois les profits prévus cette année, en comparaison d'un ratio par ailleurs raisonnable de 13 fois les profits pour les banques et de 18 fois les profits pour l'ensemble du marché boursier canadien », ajoute-t-il.

PRESSENTIR LE CHANGEMENT

Peter Letko se rappelle que lorsque la décision initiale d'investir dans Air Canada a été prise en 2009, le transporteur traversait une période particulièrement difficile.

« Il y avait toutes sortes de problèmes. L'économie était plongée dans une des récessions les plus sérieuses observées depuis la dépression. L'entreprise perdait de l'argent et il y avait un gros déficit de près de 4 milliards dans la caisse de retraite. »

Le gestionnaire de portefeuille explique qu'à ce moment, il fallait anticiper que l'économie allait prendre du mieux, que le nombre de passagers allait de surcroît augmenter, que les prix des sièges allaient monter. « C'était nos hypothèses, à l'époque, et c'est pourquoi nous avions décidé d'acheter des actions », explique Peter Letko.

« Nous avons vu aussi que la gestion de la compagnie s'est beaucoup améliorée. L'équipe, avec notamment Calin Rovinescu, Ben Smith, Michel Rousseau et d'autres, a fait un très bon travail pour changer la situation. La valeur des actions suit le chemin des profits. Si les profits montent, les actions vont aussi monter. »

Photo Olivier Jean, Archives La Presse

Peter Letko et Daniel Brosseau, cofondateurs de la firme Letko Brosseau

Infographie La Presse

Le redressement d'Air Canada vu par Peter Letko

LA DEMANDE

« La demande pour le transport aérien augmente de 5 à 6 % par année. C'est très important. Et Air Canada fait mieux que ça. La compagnie a bonifié sa capacité avec Rouge notamment. Il y a huit ans, Air Canada transportait de 30 à 32 millions de passagers par année. Aujourd'hui, ce chiffre se situe probablement entre 48 et 50 millions. C'est une croissance formidable », dit le gestionnaire de portefeuille Peter Letko.

LES COÛTS

Air Canada a su améliorer son efficacité de façon générale. « Les gestionnaires ont baissé les coûts. Par exemple, en augmentant le nombre de sièges sur les vols, le coût par passager diminue. »

LE PRIX

« En récession, les gens voyagent moins, et lorsqu'ils voyagent, ils cherchent des billets moins dispendieux. Les prix des billets en souffrent et sont déprimés. Cela affecte les revenus par siège. Lorsque l'économie reprend, les gens voyagent plus et les prix augmentent, ce qui contribue au retour à la rentabilité. »

LA CAISSE DE RETRAITE

« En 2009, le déficit de la caisse de retraite s'élevait à 4 milliards. Aujourd'hui, il y a un surplus de quelque 2 milliards. Un accord avec le gouvernement était nécessaire, mais la stratégie d'investissement mise en place pour la caisse joue un rôle important. »