Boeing juge que ses liens d'affaires avec le Canada et le Royaume-Uni sont suffisamment solides pour survivre aux dommages collatéraux provoqués par le dépôt de sa plainte contre la C Series de Bombardier.

Les deux pays ont menacé le géant américain de représailles dans la foulée de sa démarche, Ottawa allant notamment jusqu'à remettre en question l'achat de 18 avions de combat Super Hornet de Boeing pour remplacer sa flotte de CF-18 vieillissant.

Au cours d'une conférence téléphonique visant à discuter des résultats du troisième trimestre, le président et chef de la direction de Boeing, Dennis Muilenburg, a expliqué qu'il était conscient des répercussions de la dispute commerciale.

«Une telle décision est prise sur un horizon à long terme, a-t-il dit. Nous croyons que notre relation avec le Canada et le Royaume-Uni sera capable de surmonter ce qui se passe actuellement».

Dans sa plainte déposée au printemps auprès du département du Commerce, Boeing alléguait que les aides financières indues de Québec et Ottawa avaient permis à Bombardier d'offrir de généreux rabais à Delta Air Lines et ainsi décrocher une commande ferme de 75 CS100.

Cette démarche a incité Washington à décréter des tarifs préliminaires de plus de 300 % à l'égard des C Series exportés au sud de la frontière.

«Nous sommes présents depuis plus de 100 ans à des endroits comme le Canada et le Royaume-Uni, a dit le grand patron de l'avionneur américain. Nous nous attendons à ce que notre relation d'affaires se poursuive.»

Une décision finale du département du Commerce est attendue en décembre et la Commission du commerce international des États-Unis doit déterminer en février si Boeing a bel et bien été lésée par la C Series.

Au Québec, quelque 2000 employés de Bombardier dépendent de la C Series à Mirabel, alors que l'avionneur québécois est le plus important employeur en Irlande du Nord avec son usine de Belfast, où travaillent quelque 4200 personnes

C'est à cet endroit que sont notamment fabriquées les ailes de cette famille d'avions commerciaux.

«Il ne s'agit pas de décisions qui visent des clients ou des pays, s'est défendu M. Muilenburg. Cela concerne les règles commerciales en vigueur. Nous n'avons rien contre la concurrence, nous voulons simplement que tout le monde respecte les règles.»

Soucieuse de son image, Boeing a récemment déployé une campagne de relations publiques au Canada afin de rappeler aux Canadiens l'ampleur de sa contribution annuelle d'environ 4 milliards US à l'économie du pays, où la multinationale compte environ 2000 employés.

Rumeurs et stratégie

Le dirigeant de l'entreprise de Chicago ne s'est par ailleurs pas montré surpris du partenariat annoncé la semaine dernière permettant à son rival européen de devenir l'actionnaire majoritaire de la C Series sans verser un seul sou.

Il n'a pas voulu commenter les rumeurs selon lesquelles Boeing discutait d'un partenariat avec Bombardier pour finalement quitter la table des négociations avant la première décision du département du Commerce en septembre.

Bombardier et Airbus estiment pouvoir éviter de se soustraire aux mesures punitives aux États-Unis étant donné que les appareils destinés aux clients américains seront assemblés en Alabama, aux installations du géant européen.

M. Muilenburg, lui, a un autre point de vue.

«Nous ne croyons pas que ce nouveau partenariat ou une nouvelle chaîne de montage changera quoi que ce soit au fait que ce litige commercial doit être réglé, a-t-il affirmé. Je crois que l'évaluation initiale du département du Commerce démontre qu'il y a des préoccupations.»

Par ailleurs, Boeing n'entend pas modifier sa stratégie dans le marché des avions monocouloirs en raison de l'arrivée d'Airbus comme actionnaire majoritaire dans la C Series, a affirmé M. Muilenburg.

L'avionneur américain accélère actuellement la cadence de production de ses 737 MAX afin de répondre à une demande record découlant de son carnet de commandes pour ces appareils remotorisés.

«Nous suivions déjà une bonne stratégie, il n'y a aucune raison de la changer», a expliqué aux analystes M. Muilenburg, qui a rappelé que la famille d'avions 737 dominait sur les marchés.

Toutefois, ce sont les modèles Max 8 et Max 9 - pouvant transporter de 162 à 220 passagers - qui sont plus demandés. L'entreprise anticipe une demande pour 41 000 nouveaux avions au cours des 20 prochaines années, dont 29 000 appareils monocouloirs.

Bombardier estime pour sa part être en mesure de s'emparer de la moitié du marché de 6000 appareils de 100 à 150 places pendant les deux prochaines décennies.