L'annonce, la semaine dernière, d'un partenariat avec Airbus qui pourrait être salvateur pour la C Series n'a pas été suffisante pour convaincre l'agence de notation Moody's, qui a annoncé hier soir une décote de Bombardier.

DEUX ANNÉES D'INQUIÉTUDES

Contrairement à ses semblables DBRS et Fitch, qui ont maintenu inchangée leur cote pour Bombardier, Moody's a annoncé hier soir qu'elle abaissait la sienne de B2 à B3, avec une perspective négative plutôt que stable.

L'agence cite plusieurs raisons, mais au premier chef les incertitudes quant aux flux de trésorerie négatifs prévus en 2018, difficulté qui pourrait s'étendre à 2019 avec des retards de livraison d'avions C Series, notamment si la commande de Delta est reportée.

« La perspective négative reflète notre incertitude quant à la capacité d'atteindre des flux de trésorerie neutres en 2018 et 2019, ainsi que sa capacité à refinancer d'importantes échéances de dette qui débuteront en 2019, peut-on lire dans le rapport de l'agence. Elle reflète aussi une inquiétude à plus long terme quant à la compétitivité de la division Transport face à la fusion entre Siemens et Alstom. »

Moody's note que le ratio d'endettement de Bombardier, qu'elle aimerait voir réduit à 6,5, devrait être à 14 à la fin de 2017 et à 13 à la fin de 2018.

C SERIES : RETARDS DE LIVRAISON

Bombardier pourrait annoncer la semaine prochaine qu'elle n'arrivera pas à livrer 30 avions C Series en 2017, comme elle l'avait promis, en raison notamment d'un retard dans la livraison des moteurs de Pratt & Whitney.

L'annonce, hier matin par United Technology Corp (UTC), de retards dans la livraison de moteurs à ses clients a incité Bombardier à promettre de faire le point sur ses objectifs le 2 novembre, à l'occasion du dévoilement de ses résultats financiers trimestriels.

Selon UTC, la société mère de Pratt & Whitney, des ennuis dans la durabilité de ses réacteurs à réducteur l'ont forcée à assigner plus d'unités au bassin de remplacement, plutôt que de les livrer à ses clients Bombardier et Airbus.

Bombardier, qui promettait en début d'année de livrer de 30 à 35 avions C Series en 2017, avait réduit sa cible à 30 cet automne. Cette nouvelle cible est maintenant visiblement en péril, ce qui devrait influer sur les résultats financiers de l'entreprise pour l'année.

Seulement 12 appareils ont été livrés jusqu'à présent depuis le 1er janvier. Un troisième client, Korean Air, devrait toutefois accepter son premier avion au cours des prochains jours.

NOUVELLE VENTE

La décote de Moody's et les retards de livraison pourraient être compensés dans l'esprit des investisseurs par l'annonce d'une nouvelle commande.

Selon le quotidien Daily News Egypt, qui cite des sources anonymes, le transporteur Egyptair aurait choisi de commander 12 avions CS300 à Bombardier.

Il s'agirait d'une première commande pour Bombardier depuis celle pour 75 avions, avec une option pour 50 autres, passée par Delta en avril 2016.

MEILLEURES PERSPECTIVES

Par ailleurs, la firme d'analyse de marché AirInsight a publié hier une mise à jour de ses prévisions pour la C Series et, de façon plus générale, pour le marché des avions de 100 à 149 places.

Selon elle, il devrait s'écouler entre 5000 et 5500 avions de cette taille dans le monde au cours des 20 prochaines années, soit moins que la prévision de 6000 annoncée par Bombardier et reprise par Airbus au lendemain de l'annonce du partenariat entre les deux entreprises.

En revanche, AirInsight se montre plus optimiste que les deux constructeurs en matière de parts de marché. Alors que le président d'Airbus, Tom Enders, a annoncé un objectif de 50 % du marché, l'étude d'AirInsight confère à la C Series une part de 55 à 60 %, pour un total de 2750 à 3300 avions.

C'est nettement mieux que la version précédente de ce rapport, datée de juin 2016, qui prévoyait des ventes de 1900 à 2400 avions C Series.

Selon AirInsight, la C Series devrait de toute évidence être « l'acteur dominant » de ce marché, que se partageront aussi la série E2 d'Embraer (30 à 35 %) et le 737 MAX de Boeing (5 à 10 %).

« La C Series domine la compétition de la tête et des épaules [...], écrit AirInsight. Bien que les coûts de l'E2 d'Embraer soient compétitifs avec la C Series, ces avions n'offrent pas la portée et la polyvalence des C Series. Le 737 MAX 7, qui s'est si mal vendu que Boeing ne ventile pas les ventes de MAX par modèle, a récemment été allongé pour améliorer ses coûts relatifs. Mais cet avion, une version rapetissée du MAX 8, reste trop lourd et son intérieur, trop coincé pour être un compétiteur réel de l'efficace et spacieux CS300. »