Bombardier s'attend à ce que les plaintes commerciales de Boeing et du Brésil déposées contre la CSeries s'invitent au Salon du Bourget - le plus important salon aéronautique de l'année - qui s'ouvre dimanche, à Paris.

Questionné au cours d'une conférence téléphonique, mercredi, son président de la division des avions commerciaux, Fred Cromer, a répondu qu'il s'attendait à devoir répondre aux questions de clients potentiels sur le sujet.

Il ne s'est toutefois pas formalisé du fait que les critiques de Boeing et du Brésil ont fait les manchettes à plus d'une reprise au cours des derniers mois. Selon M. Cromer, ces démarches prouvent que la CSeries se taille une place dans le marché et que l'appareil répond aux attentes de l'industrie.

«Dans le passé, les clients ont déjà vu ces types de plaintes et je crois qu'ils préfèrent s'attarder à déterminer quel est l'avion qui répond le plus à leurs besoins, a expliqué M. Cromer. Je ne crois pas que cela va nous ralentir.»

Boeing demande au département américain du Commerce d'imposer des tarifs douaniers sur les CSeries vendus aux États-Unis, affirmant que Bombardier a bénéficié de subventions indues qui lui ont permis de vendre ses appareils à des prix «dérisoires» à Delta Air Lines l'an dernier.

De son côté, le Brésil s'était tourné vers l'Organisation mondiale du commerce en février (OMC) en février, critiquant les nombreux coups de pouce financiers octroyés par Ottawa et Québec à la multinationale québécoise.

Depuis l'an dernier, Bombardier a reçu près de 3,7 milliards $ CAN de la part de l'État québécois, de la Caisse de dépôt et placement du Québec et d'Ottawa.

La ministre de l'Économie, Dominique Anglade, qui dirigera une mission économique au Bourget, s'attend également à des questions à propos de Boeing et du Brésil, étant donné qu'il s'agit de «dossiers d'actualité».

«Cela prouve que certains ne veulent pas de la CSeries dans le marché, a-t-elle dit, au cours d'un entretien téléphonique. Autrement, ces rivaux ne perdraient pas leur temps avec des poursuites aussi agressives.»

Pas de spéculation

M. Cromer n'a pas voulu dire si le constructeur d'avions et de trains comptait annoncer des commandes de CSeries - qui peut transporter de 100 à 150 passagers - la semaine prochaine.

L'an dernier, Bombardier n'avait rien signé pour la CSeries lors du rendez-vous annuel qui se déroulait près de Londres, mais l'entreprise avait vu Air Canada confirmer une commande quelques jours plus tard.

Le plus récent client de la CSeries est le gouvernement de la Tanzanie, qui a commandé deux avions en décembre dernier. Cela a fait passer la taille du carnet de commandes fermes à 360 appareils.

Sans s'avancer sur le dénouement de la plainte de Boeing, M. Cromer a assuré que cette démarche n'allait pas inciter Bombardier à déployer moins d'efforts au sud de la frontière pour tenter de séduire de nouveaux clients.

«Nous avons conçu (la CSeries) afin que l'avion génère de l'intérêt (partout dans le monde), incluant en Amérique du Nord et aux États-Unis», a-t-il affirmé.

Plutôt que présenter l'ensemble de sa gamme d'avions commerciaux et d'affaires au Bourget - comme cela a déjà été le cas dans le passé - Bombardier n'a envoyé qu'un CS300 livré à airBaltic et un Q400 de WestJet cette année.

Peu de vagues

Étant donné que certains analystes ne s'attendent pas à un déferlement d'annonces de commandes de la part des avionneurs, Richard Aboulafia, de la firme américaine Teal Group, s'attend à ce que les démarches de Boeing soient au coeur des discussions.

«Est-ce que tout cela aura un impact important (pour Bombardier)? J'en doute», a estimé l'analyste, au cours d'un entretien téléphonique.

Par ailleurs, quelques analystes, dont Chris Murray, d'Altacorp Capital, ont dit avoir de la difficulté à comprendre pourquoi Boeing a décidé de s'attaquer à Bombardier étant donné que le géant américain pourrait être écarté de contrats militaires au Canada.

«Des milliards de dollars seront dépensés dans le secteur de la défense (...) a-t-il rappelé. Boeing veut être à l'écart?»

Des responsables fédéraux devraient par ailleurs profiter du Bourget pour s'asseoir avec des représentants de constructeurs d'avions de chasse en vue d'un éventuel appel d'offres en vue de remplacer définitivement les CF-18 vieillissants par 88 nouveaux chasseurs.

Importante délégation locale

En plus de Bombardier, le Québec enverra sa plus importante délégation à Paris, soit 121 participants, dont 50 entreprises. Le président-directeur général d'Investissement Québec, Pierre Gabriel Côté, ainsi qu'Aéro Montréal, seront aux côtés de Mme Anglade.

En plus de nouer des partenariats, la ministre a expliqué que son passage au Bourget visait à faire du démarchage auprès d'entreprises étrangères.

L'industrie aérospatiale a vu son nombre de travailleurs fléchir de 42 500 à 39 000 depuis 2014. Questionnée, Mme Anglade a concédé qu'il y avait encore «du travail à faire» avant que ce nombre reparte à la hausse. «Ce que je peux vous dire, par contre, c'est que je n'entrevois pas un mouvement important à la baisse», a précisé la ministre.

L'industrie aérospatiale en chiffres:

• 39 130 emplois, soit environ 45 % de l'effectif du secteur canadien.

• Environ 205 entreprises qui génèrent un chiffre d'affaires de 14,4 milliards $.

• L'industrie québécoise génère plus de la moitié des ventes de l'industrie aérospatiale à l'échelle nationale.



Source: ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation