Face au tollé suscité par le bond de près de 50% de la rémunération des hauts dirigeants de Bombardier, le président exécutif du conseil d'administration de l'entreprise, Pierre Beaudoin, renonce à l'augmentation qui lui avait été consentie.

« Après avoir écouté les récents débats publics sur la rémunération des hauts dirigeants de Bombardier, j'ai demandé au conseil d'administration de revoir ma rémunération de 2016 en la réduisant au niveau de celle de 2015, a-t-il déclaré dans un communiqué publié vendredi soir [...] La confiance de nos concitoyens et celle de nos gouvernements sont extrêmement importantes pour l'entreprise et pour moi, il est clair que la situation a dévié l'attention qui était portée sur le travail important réalisé par nos employés et notre haute direction pour que cette formidable entreprise renoue avec la croissance. Je prends cette mesure afin de remettre l'accent sur l'essentiel - la transformation de Bombardier pour en faire le manufacturier d'avions et de trains le plus compétitif au monde. »

La rémunération de M. Beaudoin pour 2016 devait s'élever à 5,25 millions US, soit 36 % de plus qu'en 2015. À la suite de la décision annoncée vendredi soir, elle sera ramenée à 3,85 millions US.

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Plusieurs ont jugé que le montant global de 32,6 millions US - en hausse de 50 % sur un an - octroyé aux six plus hauts dirigeants du constructeur d'avions et de trains était indécent, alors que Québec a injecté 1,3 milliard dans la CSeries et que le gouvernement Trudeau vient de consentir un prêt de 372,5 millions.

De plus, d'ici la fin de 2018, Bombardier devrait avoir éliminé quelque 14 500 postes à travers le monde dans le cadre de son plan de redressement.

« La confiance de nos concitoyens et celle de nos gouvernements sont extrêmement importantes pour l'entreprise et pour moi, a indiqué M. Beaudoin. Il est clair que la situation a dévié l'attention qui était portée sur le travail important réalisé par nos employés et notre haute direction pour que cette formidable entreprise renoue avec la croissance », a poursuivi le président exécutif du conseil.

M. Beaudoin a dit avoir pris cette décision afin de « remettre l'accent sur l'essentiel », soit la « transformation de Bombardier pour en faire le manufacturier d'avions et de train le plus compétitif au monde ».

Toutefois, selon le directeur général de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP), Michel Nadeau, la décision prise par le président exécutif du conseil de Bombardier est loin d'être suffisante.

« On se demande encore pourquoi le président du conseil reçoit autant d'argent, s'est-il demandé, au cours d'un entretien téléphonique. Ailleurs au Canada, le président du conseil gagne en moyenne 350 000 $. »

Les cinq autres hauts dirigeants ne subiront pas de diminution de salaire, ce qu'a déploré M. Nadeau, qui estime que ceux-ci devraient imiter M. Beaudoin.

Le salaire global du président et chef de la direction, Alain Bellemare, a été de 9,5 millions US en 2016, comparativement à 6,4 millions US l'année précédente.

En considérant la diminution de salaire de M. Beaudoin, les six plus hauts dirigeants de la société toucheront une rémunération globale de 31,2 millions US pour l'exercice 2016, ce qui représente une augmentation de 43 %. Certains patrons ont été embauchés à des moments différents en 2015, ce qui fait en sorte qu'ils n'ont pas été rémunérés pour l'ensemble de l'année.

« Il y a un débat public et les autres patrons doivent comprendre qu'une décision similaire à celle de M. Beaudoin s'impose, a dit M. Nadeau. Ils doivent renoncer à leurs augmentations. »

En fin d'après-midi, vendredi, le premier ministre Philippe Couillard avait invité les patrons de Bombardier à réévaluer leur politique de rémunération après avoir affirmé la veille que cette question concernait plutôt les actionnaires de la multinationale québécoise.

« Les dirigeants de Bombardier sont des Québécois comme nous et ils entendent ce que disent les Québécois. Alors je pense qu'ils vont certainement être capables d'avoir au moins une réflexion sur la question », avait déclaré M. Couillard.

Plus tôt dans la journée, en marge d'un événement devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, son ministre des Finances, Carlos Leitao, avait également enjoint la haute direction à réfléchir à ce sujet.

- Avec Julien Arsenault, La Presse canadienne