Le ministre des Transports, Marc Garneau, donnera un sérieux coup de pouce à Bombardier dès aujourd'hui en annonçant qu'Ottawa relève à 49% la limite de la propriété étrangère des compagnies aériennes du Canada, préparant la voie à la vente d'une quarantaine d'appareils C Series au transporteur à rabais Jetlines.

Selon des informations obtenues par La Presse, M. Garneau confirmera ce changement ce matin à Montréal à l'occasion d'un important discours sur l'avenir du transport au pays, secteur que le gouvernement Trudeau juge crucial pour assurer la croissance de l'économie canadienne.

Établie à Richmond, en Colombie-Britannique, la compagnie Jetlines tente de prendre son envol depuis quelques mois. Ce transporteur à rabais a indiqué avoir la ferme intention d'acquérir de 24 à 40 avions C Series de Bombardier sur une période de huit ans si le gouvernement fédéral modifie la Loi sur les transports au Canada afin de faire passer la limite de la propriété étrangère à 49 % - elle est actuellement de 25 %.

Le changement qu'annoncera M. Garneau permettra à Jetlines d'obtenir les 40 millions de dollars nécessaires au lancement de ses activités - une condition imposée par l'Office des transports du Canada -, en partie grâce à des investisseurs américains et britanniques. Des investisseurs canadiens souhaitent participer au projet, mais pas en nombre suffisant pour avancer l'ensemble des sommes requises.

ENTRÉE EN VIGUEUR IMMÉDIATE

En dévoilant son plan de transport pour les 15 prochaines années, le ministre confirmera que le changement entrera en vigueur immédiatement afin de permettre à Jetlines et à Enerjet, autre transporteur à rabais, de lancer leurs activités le plus rapidement possible.

À cette fin, le ministre leur accordera une exemption, comme le permet la Loi sur les transports au Canada, d'ici à ce que les mesures législatives soient adoptées, vraisemblablement au printemps 2017. En vertu du plan Garneau, un seul investisseur étranger ne pourra toutefois détenir plus de 25 % des actions d'une compagnie canadienne.

La volonté des dirigeants de Jetlines d'acheter des appareils de Bombardier est telle qu'ils ont visité les installations de l'entreprise à Montréal au printemps afin d'examiner de plus près l'avion C Series. En outre, Jetlines promet d'offrir un service dans plus de 200 liaisons au pays, soit dans des villes et municipalités qui sont mal desservies ou ne le sont pas du tout. L'un des membres du conseil d'administration de Jetlines est l'ancien premier ministre de l'Ontario Mike Harris.

« Une commande de 24 à 40 avions donnerait à Bombardier une source de revenus importante à un moment névralgique pour l'entreprise. Cela permettrait également de mettre en valeur cet appareil devant les Canadiens grâce à des vols quotidiens. » - Une source proche de l'industrie aérienne

UN MARCHÉ SANS TRANSPORTEUR À TRÈS FAIBLE COÛT

Le changement qu'adoptera le ministre Garneau avait été proposé dans un volumineux rapport rédigé par l'ancien ministre de l'Industrie, David Emerson, déposé aux Communes l'hiver dernier. Dans ce rapport, intitulé Parcours - Brancher le système de transport du Canada au reste du monde, M. Emerson soulignait que le Canada était le seul marché aérien des pays du G7 à ne pas avoir de transporteur à très faible coût. Il estimait que l'une des causes en était les règles en matière de propriété étrangère.

« L'Union européenne permet une propriété étrangère de 49 % de ses compagnies aériennes, tandis que l'Australie et la Nouvelle-Zélande permettent 100 % de propriété étrangère de leurs lignes aériennes exploitant leurs marchés intérieurs. La grande taille du Canada et sa petite population limitent notre capacité à faire concurrence dans le marché mondial. [...] Le Canada est le seul marché aérien majeur qui n'a pas de transporteur à très faible coût. Les transporteurs de ce genre ont connu beaucoup de succès dans tous les autres marchés aériens », avait soutenu M. Emerson dans son rapport.

Selon les analystes, un transporteur aérien à rabais pourrait rivaliser davantage avec les transporteurs américains qui offrent des prix abordables aux aéroports situés près de la frontière canadienne comme Buffalo et Bellingham.

Le projet a d'ailleurs l'appui du Conseil canadien de l'aviation et de l'aérospatiale, tout comme celui des dirigeants des aéroports de Québec, de Vancouver et de Winnipeg, entre autres. Aussi, selon Jetlines, l'émergence d'un transporteur aérien, surtout s'il offre des prix abordables, entraînerait une concurrence accrue et un choix élargi pour les voyageurs.