Depuis des mois, on tenait pour morte la commande du groupe américain Republic Airways pour 40 avions CS300, l'une des plus importantes reçues par Bombardier pour sa C Series. Contre toute attente, elle vient de renaître de ses cendres.

FRAGILE

En février 2010, Republic, l'un des plus gros transporteurs régionaux des États-Unis, a donné un élan à la C Series en passant une commande de 40 avions CS300 pouvant transporter de 130 à 160 personnes, plus des options pour 40 autres appareils. Le contrat, évalué à 3,1 milliards US selon les prix officiels, était le tout premier que Bombardier décrochait en Amérique du Nord pour sa nouvelle gamme d'avions. Les observateurs de l'industrie doutaient toutefois de la solidité de la commande depuis l'automne 2013, lorsque Republic s'est départi de sa filiale Frontier Airlines, à qui étaient destinés les CS300.

INSOLVABLE

La commande de Republic s'est enfoncée encore plus profondément dans les limbes lorsque l'entreprise s'est placée à l'abri de ses créanciers, en février. Quelle était l'une des raisons invoquées pour cette restructuration judiciaire ? La volonté de Republic d'uniformiser sa flotte en ne conservant que des avions Embraer et en abandonnant ses Q400 de Bombardier. Prenant acte de la situation d'insolvabilité de Republic, Bombardier a retiré les 40 avions CS300 de son plan de production en mai, mais ceux-ci figurent toujours dans le carnet de commandes de la C Series.

SURPRISE

Mercredi, Republic en a surpris beaucoup en annonçant un accord avec Bombardier pour modifier sa commande de CS300. Le document détaillant les changements a été rendu public, mais il est si lourdement caviardé qu'on en apprend bien peu sur les nouvelles clauses du contrat. On sait que la livraison des 40 appareils et le versement des acomptes sont retardés, mais les nouvelles dates sont gardées secrètes. De plus, on ignore si les prix de vente ont été révisés, que ce soit à la baisse ou à la hausse. Un tribunal de New York doit entériner l'entente le 17 novembre.

INTERROGATIONS

Mais pourquoi Republic tient-elle à maintenir en vie une commande aussi hypothétique ? L'accord prévoit que Bombardier laissera tomber des réclamations totalisant 74,6 millions US, soit 70 millions US en acomptes que Republic a omis de verser à l'avionneur pour sa commande et le reste pour des pièces d'appareils Q400. Bombardier recevra à peine 2,2 millions US, dont 1,5 million sous la forme d'une créance non garantie dont le montant ne peut pas être réduit. L'entente constitue un « bond en avant substantiel dans la relation entre Republic et Bombardier et serait grandement bénéfique aux créanciers », soutient Republic.

CONJECTURES

Sur les forums en ligne spécialisés en aviation, on se perd en conjectures pour expliquer les motivations de Republic. Le consultant Scott Hamilton, de la firme Leeham de Seattle, avance que le transporteur a trouvé une façon de garder à bon prix un « actif » qu'il pourrait céder à profit dans quelques années. L'accord interdit à Republic de revendre la commande à un tiers, mais rien ne l'empêcherait, semble-t-il, de la monnayer auprès de Bombardier le jour où des acheteurs pressés se bousculeraient au portillon.

STRATÉGIE

Pour Bombardier, l'intérêt de se montrer conciliant avec Republic n'est pas évident, à moins de considérer l'avenir à plus long terme. « Bombardier détesterait grandement qu'après sa restructuration, Republic commande 80 avions à Embraer », note l'avocat Donald Gray du cabinet Blakes à Toronto. Et si la commande de CS300 devait se concrétiser, Bombardier toucherait les 70 millions US que Republic lui doit. De son côté, l'analyste en aviation Richard Aboulafia du Teal Group, établi en Virginie, croit que Bombardier a simplement voulu éviter de dégarnir son carnet de commandes, qui demeure relativement modeste malgré les contrats récents d'Air Canada et de Delta.

COMMANDES

La famille d'avions C Series de Bombardier compte actuellement des commandes pour 358 appareils. Trois d'entre eux ont été livrés à Swiss jusqu'ici.