S'il n'en tient qu'à un analyste de Desjardins, Bombardier Produits récréatifs (BRP) devrait se lancer dans le marché de la moto, qu'il voit comme le prochain vecteur de croissance pour l'entreprise de Valcourt. Un spécialiste qualifie toutefois l'idée de « simpliste ».

« Au fil du temps, BRP a su accroître sa part du marché dans les secteurs des motoneiges, des motomarines, des véhicules tout-terrain et des véhicules côte à côte, relève Benoit Poirier dans une note publiée hier. Cela nous fait croire que la direction est en mesure de reproduire ce succès dans l'industrie de la motocyclette. »

M. Poirier estime que BRP pourrait à terme occuper de 3 à 5 % du marché de la moto et en tirer des revenus annuels de 325 à 600 millions. Cela pourrait ajouter de 3 à 6 $ au cours de l'action de l'entreprise, qui a clôturé hier à 22,50 $ à la Bourse de Toronto.

Aux yeux de l'analyste, BRP a tout ce qu'il faut pour prendre sa place dans le marché : des équipes expérimentées en recherche et développement, un vaste réseau de concessionnaires, une division de fabrication de moteurs, Rotax, qui a déjà approvisionné des constructeurs de motos, des usines situées dans un pays à faibles coûts, le Mexique, ainsi que l'expérience d'avoir déjà construit des motocross, dans les années 70. 

Selon lui, l'entreprise aurait à investir moins de 100 millions pour développer une gamme de motos concurrentielles. Il reconnaît toutefois qu'il a fallu quatre ans au constructeur américain Polaris pour rentabiliser sa marque de motos Victory, lancée en 1998.

BRP pourrait aussi prendre la voie rapide en optant pour l'acquisition d'un constructeur existant comme le britannique Triumph ou l'autrichien KTM, souligne Benoit Poirier. Ce ne serait toutefois pas donné : Volkswagen a dû allonger 1,2 milliard US en 2012 pour mettre la main sur l'italien Ducati. Rappelons qu'en 2009, BRP avait tenté d'acheter le constructeur américain Buell, mais elle s'était butée au refus du géant Harley-Davidson de le lui vendre.

L'analyste voit beaucoup de potentiel dans le marché américain, qui est encore loin d'avoir retrouvé sa vigueur d'avant la crise financière de 2008. L'an dernier, il s'est écoulé un peu plus de 500 000 motos, contre plus d'un million en 2006. Par contre, des constructeurs asiatiques comme Kymco et CFMoto se sont implantés en Amérique du Nord entre-temps.

Scepticisme

Bertrand Gahel, auteur du Guide de la moto, doute du réalisme d'une incursion de BRP dans ce secteur. « Il y a plusieurs constructeurs dans le marché qui font, de façon générale, des produits extraordinairement bons », affirme-t-il au cours d'un entretien téléphonique.

D'après lui, l'expérience acquise par l'entreprise avec son véhicule à trois roues Spyder, lancé en 2008, ne lui serait pas vraiment utile dans le marché de la moto. « Le Spyder est un excellent produit, mais il s'adresse aux gens qui ont peur de faire de la moto. Ce n'est pas du tout la même clientèle », dit M. Gahel.

« Je ne dis pas que BRP n'est pas capable de construire de très bonnes motos, mais je ne suis pas sûr que ce serait une bonne décision d'affaires », précise-t-il.

Sylvain Morissette, porte-parole de BRP, assure que pour l'instant, ce sont les motomarines, les véhicules tout-terrain et les véhicules côte à côte qui font partie de l'« axe de développement stratégique » de l'entreprise. « Mais nous gardons les yeux ouverts sur toutes les possibilités qui existent dans le marché », ajoute-t-il.

Photo Wikipedia Commons

Bombardier a déjà construit des motocross dans les années 70. 

Photos fournies. Can-Am Spyder F3-T