Vous êtes rentré de vos vacances en Europe plus tard que prévu à cause d'un vol retardé ? Vous pourriez toucher une indemnisation de 860 $. Des milliers de dollars échappent aux voyageurs aériens, qui sont mal informés de leurs droits et sont peu nombreux à réclamer des compensations.

Après un séjour à Londres, en septembre dernier, Pierre Vanier et sa conjointe ont attendu huit heures à l'aéroport avant le décollage de leur vol. Le voyageur s'est plaint auprès du transporteur Air Transat, qui lui a offert 100 $ de crédit sur un prochain billet.

Or, Pierre Vanier a appris la semaine dernière, dans un reportage de La Presse, qu'il avait droit à une compensation de 600 euros (860 $), selon le règlement 261/2004 de l'Union européenne (UE), méconnu chez nous.

Furieux, il a rappelé le service à la clientèle d'Air Transat, le 20 juillet, pour exiger l'indemnisation prévue par la loi. Il l'a obtenue six jours plus tard. « Bonne nouvelle : Air Transat a confirmé ma réclamation à la vitesse supersonique ! Une compensation de 600 euros par personne, ou 750 euros de crédit sur un prochain vol d'ici 18 mois », a-t-il écrit dans un courriel.

Pourquoi Air Transat n'a-t-elle pas offert dès le départ l'indemnisation à laquelle son client avait droit ? Une responsable du service à la clientèle lui avait plutôt écrit, le 15 octobre 2015 : « Nous ne pouvons accepter la responsabilité résultant d'un retard et ne dispensons aucune compensation. Or, après révision du délai en question, la haute direction a décidé d'offrir à tous les passagers un crédit voyage de 100 $. Aucune compensation supplémentaire ne sera octroyée. »

Pourtant, le transporteur aérien ne pouvait ignorer le règlement adopté en 2005 par l'UE, qui prévoit une indemnisation de 600 euros par passager lors d'un vol annulé ou en retard de plus de trois heures, pour les trajets de plus de 3500 km, au départ d'un aéroport européen.

Le règlement exige aussi qu'un document écrit, expliquant les montants des compensations, soit remis aux voyageurs en cas de refus d'embarquement, d'annulation ou de retard de plus de deux heures, ce qui est rarement respecté.

2 % de réclamations

Des milliers de dollars échappent aux voyageurs, en raison de ce manque d'information.

« Moins de 2 % des passagers connaissent leurs droits et font des réclamations », affirme Cecilia Minges, porte-parole d'AirHelp, une entreprise américaine qui propose aux passagers retardés de faire pour eux les démarches d'indemnisation.

Quand un vol d'Air Transat entre Glasgow et Toronto a été annulé, la semaine dernière, parce que les pilotes étaient soupçonnés d'être en état d'ébriété, La Presse a fait état des compensations que le transporteur devait payer à ses clients retardés, en vertu des lois européennes. Les passagers du vol en question se sont d'abord fait offrir un crédit de 200 $ sur un prochain voyage, avant que le transporteur déclare, deux jours plus tard, qu'il allait respecter les règlements de l'UE.

Plusieurs voyageurs nous ont raconté qu'ils n'avaient pas été informés de leurs droits, après un retard au départ de l'Europe, sur les ailes de différentes compagnies.

Comme Gérald Gauthier, dont le vol d'Air Canada entre Bruxelles et Montréal a été repoussé de huit heures, en mai dernier. Chaque passager a reçu un coupon de 20 euros pour manger à l'aéroport, mais aucune information sur l'indemnisation prévue.

« On voyageait avec un ami, qui est notre agent de voyage. Il va faire la réclamation pour les deux couples. On va les faire payer, on a tellement souvent des retards, c'est un service pourri ! »

Méconnaissance de la loi

« Les compagnies essaient d'y échapper en offrant un chèque-cadeau ou un coupon repas, en espérant que les passagers ne demanderont pas plus parce qu'ils ne connaissent pas la loi », déplore Jacob Charbonneau, qui vient tout juste de lancer volenretard.ca, premier service québécois d'aide aux voyageurs qui veulent être indemnisés.

Récemment, WestJet a fait preuve d'une plus grande transparence : les passagers d'un vol entre Londres et Vancouver, en mai (le premier sur cet itinéraire), annulé en raison de problèmes mécaniques, ont reçu un courriel leur offrant 600 euros de compensation, ou un crédit de 1800 euros à l'achat d'un billet dans les 12 mois suivants.

« Je n'ai eu qu'à donner ma réponse par courriel, avec mes coordonnées, et j'ai reçu mon chèque », raconte Darryl Wilson, un résidant de Victoria qui tient un blogue de voyage. 

Patience et persévérance

Toucher son dû n'est pas toujours si facile, même pour les voyageurs informés. Certains ont dû faire de longues et fastidieuses démarches, et ont même menacé de poursuites Air Canada, Air France ou TAP (ligne aérienne portugaise) pour être indemnisés.

C'est tout de même mieux qu'en cas de retard au départ du Canada : ici, rien n'oblige les transporteurs à dédommager les passagers. Et, devinez quoi : ils ne le font généralement pas. Ils se contentent d'offrir un coupon repas aux passagers - mais la somme est souvent insuffisante pour couvrir la facture dans un restaurant d'aéroport - et paient l'hôtel si l'attente dépasse huit heures.

« Ça prendrait une loi comme en Europe. Les compagnies aériennes feraient des efforts pour mieux entretenir leurs avions et auraient moins de retards dus à des bris mécaniques », avance Gérald Gauthier.

« Malheureusement, les voyageurs canadiens sont moins bien protégés. La seule chose qu'on peut faire, c'est se plaindre pour demander des changements », explique Gábor Lukács, mathématicien et défenseur des droits des passagers aériens.

M. Lukács, de Nouvelle-Écosse a déposé ces dernières années une trentaine de plaintes à l'Office des transports du Canada (OTC) contre les pratiques de différentes compagnies qui, selon lui, bafouent les droits des consommateurs, comme la survente de sièges, le versement d'indemnités insuffisantes en cas de pépin et des politiques incompréhensibles. Mais sans une loi qui s'applique à tous les transporteurs, chaque problème est traité au cas par cas.

Les règles sont respectées, affirment les transporteurs

Malgré l'insatisfaction de nombreux voyageurs, les transporteurs aériens soutiennent qu'ils respectent les droits des passagers.

« Air Transat respecte les différentes réglementations en vigueur dans les pays qu'elle dessert, affirme le porte-parole de l'entreprise, Pierre Tessier. Pour les vols partant de l'Europe, des affiches et copies de la réglementation européenne sont disponibles à nos comptoirs. Il existe des réglementations variées régissant les opérations des compagnies aériennes, qui peuvent être plus ou moins strictes que nos propres engagements en matière de services aux passagers. Dans tous les cas, nous nous efforçons d'appliquer les dispositions les plus avantageuses pour nos passagers. »

« Nous respectons la réglementation de tous les pays où nous exploitons des vols, réglementation qui a des exceptions et exclusions, indique aussi la porte-parole d'Air Canada, Isabelle Arthur. Nous prenons le temps nécessaire pour étudier toute réclamation avec soin selon les circonstances et la réglementation applicable. »

Mode d'emploi pour un dédommagement sans tracas

Si votre avion décolle d'Europe avec plus de trois heures de retard, vous pouvez toucher une compensation. Malheureusement, un tel règlement n'existe pas au Canada ni aux États-Unis. Et pour obtenir votre dû, mieux vaut savoir exactement comment le réclamer à votre transporteur aérien. Petit mode d'emploi pour améliorer vos chances de succès.

Les obligations des transporteurs

Ce que dit le règlement européen 261/2004

Indemnisation

Si on vous refuse l'accès à bord, si votre vol est annulé ou s'il arrive avec plus de trois heures de retard à la destination finale indiquée sur votre billet, vous avez droit à une indemnisation, de 250 à 600 euros, selon la longueur du vol.

À l'intérieur de l'UE

• Jusqu'à 1500 km : 250 euros

• Plus de 1500 km : 400 euros

Entre un aéroport dans l'UE et un aéroport situé hors de l'UE

• Jusqu'à 1500 km : 250 euros

• De 1500 à 3500 km : 400 euros

• Plus de 3500 km : 600 euros

Droits

Lors de retards de deux à quatre heures, les passagers ont droit à : 

• Repas et rafraîchissements

• Hôtel pour la nuit si nécessaire

• Transport entre le lieu d'hébergement et l'aéroport

• Deux appels téléphoniques ou courriels

Information

En cas de refus d'embarquement, annulation ou retard supérieur à deux heures, le transporteur doit distribuer à chaque passager concerné un document contenant les règles de compensation et d'assistance, avec les coordonnées de l'organisme national responsable de l'application du règlement.

Avez-vous droit à une compensation?

Où ?

Ces obligations concernent tous les vols décollant d'un aéroport de l'UE, y compris les vols nolisés et les voyages organisés, que ce soit avec une compagnie aérienne européenne ou d'ailleurs dans le monde. Les règles s'appliquent également pour un vol en provenance d'un pays tiers vers un aéroport de l'UE, effectué par une compagnie aérienne européenne (par exemple un vol d'Air France de Montréal vers Paris).

Qui ?

Tous les passagers, peu importe leur nationalité, peuvent exiger l'indemnisation.

Quand ?

La compensation peut être réclamée dans les trois années suivant le vol en retard.

Pourquoi ?

Les transporteurs aériens doivent indemniser les passagers en cas de retard à moins de « circonstances extraordinaires » qui échappent à leur contrôle. Les problèmes mécaniques ne sont généralement pas considérés comme des « circonstances extraordinaires ». Même la météo ne dégage pas toujours le transporteur de ses obligations.

Combien ?

Un passager peut réclamer plus que l'indemnisation prévue au règlement s'il démontre qu'il a subi des pertes plus importantes (nuit d'hôtel inutilisée, perte de salaire, rendez-vous manqué, etc.) à cause du retard du vol. Il peut alors invoquer la Convention de Montréal de 1999, qui prévoit une responsabilité générale des compagnies aériennes en cas de retard, jusqu'à un maximum d'environ 8600 $. Cette convention peut d'ailleurs être invoquée lors de retards qui se produisent dans tous les pays signataires.

Comment être indemnisé

Certains transporteurs informent les passagers par courriel de l'indemnisation à laquelle ils ont droit. Ils offrent généralement le choix entre une somme en argent ou un crédit d'un montant supérieur sur le prix d'un prochain voyage. Vous n'avez alors qu'à répondre par courriel.

Des compagnies prévoient parfois sur leur site web des formulaires de réclamations. Donnez toutes les informations (numéro de billet, numéro de vol, durée du retard, etc.), et indiquez également que vous voulez être indemnisé en vertu du règlement 261/2004 de l'Union européenne. Des passagers qui se sont plaints d'un retard sans citer précisément le règlement n'ont parfois pas obtenu la compensation prévue.

Si le transporteur n'a pas de directives précises pour les réclamations, vous pouvez utiliser le formulaire de plainte de l'UE et l'envoyer au service à la clientèle ou au responsable des plaintes.

Si vous ne recevez pas de réponse, adressez une réclamation à l'autorité chargée d'appliquer le règlement dans le pays où l'incident a eu lieu, ou dans le pays dans lequel vous vous rendiez, si le retard s'est produit à l'extérieur de l'UE.

Des consommateurs ont déjà obtenu gain de cause envoyant une mise en demeure au transporteur aérien.

Les réseaux sociaux peuvent aussi faire bouger les choses. Aucune entreprise n'aime que des consommateurs insatisfaits se fassent entendre sur la place publique.

Pour de l'aide, contactez le Centre européen des consommateurs (ECC), qui peut informer les voyageurs ayant des difficultés à faire respecter leurs droits.